Devenir Traducteur audiovisuel
Par Hugo-
Publié le : 27/06/2018
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Lecture 5 min
1) Bonjour Hugo. Pourriez-vous vous présenter ?
J’ai 45 ans, je suis parisien, franco-américain. Je suis traducteur audiovisuel.
2) En quoi consiste le métier de traducteur audio-visuel ?
Je sous-titre des œuvres télévisuelles et cinématographiques (séries, films, documentaires) de l’anglais au français et de temps en temps du français à l’anglais. En tant que traducteur, on traduit toujours vers la langue maternelle, car, à moins d’être parfaitement bilingue, il est important de connaître toute la subtilité de la langue vers laquelle on traduit. Pour moi, ma langue maternelle est le français, il m’est plus facile de m’exprimer en français et c’est donc vers le français que je traduis.
En tant que traducteur, il faut respecter un certain nombre de règles techniques. Par exemple, on sait qu’une personne peut lire en moyenne 30 caractères par seconde, il ne faut donc pas dépasser plus de deux lignes par sous-titre. Il faut trouver les moyens pour raccourcir l’essence de la phrase tout en respectant les règles de syntaxe et de grammaire et le style de l’interlocuteur. C’est un métier très technique où il faut accepter les contraintes.
Ensuite, il y a des règles implicites qu’on apprend au fur et à mesure. Par exemple, lorsque des personnages s’embrassent, ils ne se vouvoient plus mais se tutoient.
Pour traduire un épisode par exemple, il y a 5 personnes qui interviennent en tout :
– La personne qui prépare le fichier et crée les sous-titres. C’est le repérage.
– La personne qui retranscrit de l’anglais à l’anglais, et met à l’écrit ce qui est dit à l’oral. C’est la transcription. C’est la base pour ma traduction.
– Le traducteur. Je regarde la vidéo en même temps que le texte retranscrit et je traduis. Il ne faut pas oublier aussi ce qui est marqué à l’écran (exemple : un panneau).
– La personne qui relit ma traduction en regardant la vidéo.
– La personne qui relit le français sous forme de script pour vérifier les fautes d’orthographe, de grammaire, la cohérence du style de langage (ex: les vouvoiements et les tutoiements). Il peut s’agir aussi d’une simulation in-situ où le client regarde avec le traducteur et un technicien le produit fini avant de donner son accord final.
Il faut environ une petite semaine de travail pour un épisode de 30 min de la 1ère étape à la 5e.
Je suis rarement en interaction avec les 4 autres postes. L’ensemble est supervisé par un coordinateur à qui l’on donne des feedbacks.
Néanmoins, dans certaines sociétés, il m’est déjà arrivé de corriger les autres ou d’être corrigé. C’est le cas pour des films à gros budgets avec un scénario qui ne doit pas fuiter. J’ai par exemple dû signer un contrat de confidentialité pendant que je traduisais un film de Tarantino.
Pour des séries Netflix, tout est sécurisé sur leur site où je peux travailler depuis chez moi. Des gens du monde entier travaillent pour Netflix.
3) Quelles sont les qualités qui t’aident à faire ce métier ?
Il ne suffit pas de parler deux langues pour être traducteur.
Il faut aimer la langue. Il faut aimer jouer avec les mots. Passer de l’oral à l’écrit reste un exercice pas très naturel pour la simple raison que la vitesse à laquelle on parle n’est pas égale celle à laquelle on lit.
Il faut connaître les différents registres de langue, la culture et la sous-culture. J’ai vécu 10 ans aux US, ce qui m’a permis de bien acquérir ces aspects-là dont je me sers au quotidien dans mon travail.
De même, il faut aimer les défis intellectuels et être flexible.
4) Quelle formation conseillez-vous pour devenir traducteur audiovisuel ?
La plupart des traducteurs ont un Master de langue, pas forcément dans la traduction. On peut ensuite se spécialiser dans la traduction audiovisuelle. C’est ce que j’ai fait. J’ai commencé par étudier la civilisation américaine puis comme j’adorais les médias, le cinéma et les séries, j’ai trouvé un moyen de concilier les deux en faisant un DESS (aujourd’hui l’équivalent est le Master 2 Professionnel) mention adaptations audiovisuelles à l’université Paris Nanterre.
Une fois la formation faite, c’est l’expérience qui nous permet de se former en continu.
5) À quel salaire peut prétendre un jeune traducteur ?
Il est propre à chaque traducteur de déterminer son prix vu que 9 traducteurs sur 10 sont indépendants. Il n’y a presque pas de traducteur salarié. Chaque traducteur indépendant a plusieurs clients. En ce moment, j’en ai en cinq en simultané. C’est pour cela qu’il y a zéro routine dans ce métier, les projets sont très variés.
Comme je travaille pour les clients aux US (dont 10 ans sur place), je n’ai pas une idée précise du tarif des traducteurs en France. Néanmoins, un barème existe. La Société Française des Traducteurs, le syndicat des traducteurs, peut vous fournir ce genre d’informations. Il fait notamment pression pour que les prix ne baissent pas trop. Depuis que Netflix est arrivé, les prix ont été revus à la baisse.
Un débutant est souvent payé à la minute de traduction (si un épisode dure 30 minutes, il sera payé 30 minutes X le prix par minute). La charge de travail est assez variable car si l’épisode est « bavard », cela représente beaucoup de travail par minute, alors qu’un épisode bourré d’action avec des personnages qui ne parlent presque pas est avantageux.
Un expert peut être payé au sous-titre. Ce qui est plus avantageux.
Pour progresser en tant que traducteur et trouver de nouveaux clients, il faut s’appuyer sur le bouche à oreille, se faire son réseau et rencontrer des gens.
6) Est-ce un métier d’avenir ?
Oui, car avec l’explosion des plateformes comme Netflix, la demande du public pour avoir des programmes immédiatement traduits augmente fortement, notamment pour le +24h (par exemple un épisode est diffusé sur une chaîne américaine et le lendemain sur les sites en France). Les gens ne veulent plus attendre longtemps pour découvrir les dernières nouveautés.
7) Quels sont les inconvénients du métier ?
Il faut accepter de ne pas avoir de salaire fixe régulier. Sa variation peut aller du simple au triple. Le prix à la minute n’augmente pas, et donc pour gagner plus, il faut donc travailler plus. D’autant plus que la concurrence est rude.
C’est aussi un métier très solitaire, on passe beaucoup de temps devant son ordi, sans horaire fixe. Comme je travaille avec les US, les horaires sont décalés. Je peux travailler la nuit jusqu’à 3 ou 4 h du matin, puis enchaîner avec un autre client qui commence tôt. C’est variable d’un jour à l’autre.
Bien sûr, il y a le stress par rapport aux délais de plus en plus courts que demandent mes clients.
8) Quels conseils donneriez-vous aux jeunes pour devenir traducteur audiovisuel ?
Je conseille d’être flexible, consciencieux, endurant et méthodique.
Pour une série, le but est de donner l’impression qu’il n’y a eu qu’un seul traducteur sur le projet, et in-fine qu’on se dise qu’on aurait compris même sans les sous-titres tellement le sous-titrage est naturel.
Le but n’est pas d’être la star du programme et de faire de « jolis » sous-titres. Il faut savoir être humble. On est là pour aider à la compréhension du programme.
Ensuite, il faut être naturellement curieux, car si vous l’êtes dans la vie de tous les jours, vous trouverez l’information plus rapidement pour traduire. Par exemple, en étant au courant de ce qui se passe, les expressions à la mode ou encore les dernières références culturelles.
Il faut aussi continuer à lire du français pour ne pas perdre les automatismes de la langue, car au bout d’un moment, on a tendance à réfléchir en « franglais ». Il faut faire attention à cela. Il faut donc regarder des programmes en français, lire en français, s’intéresser à la culture française.
9) Merci pour vos réponses. Je vous laisse le mot de la fin.
Pour faire ce métier, je dirais qu’il faut une combinaison de 3 éléments. Il faut avoir la passion de la langue, être curieux et voir la traduction comme un jeu. Si on a les 3, c’est assez facile de trouver du plaisir dans ce métier assez solitaire bien qu’il est maintenant possible de travailler en binôme ou dans un espace de coworking.
Petit plus, je peux voir un film de Tarantino trois mois avant tout le monde, idem pour toutes les séries cultes que je vois avant tout le monde, sans compter que je traduis tout en apprenant beaucoup de choses (à travers les documentaires, les films/séries sur des cultures différentes). C’est un peu un voyage sans se déplacer, avant un nouveau monde qui s’offre à vous à chaque programme.
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