Devenir Journaliste au Monde
Par Annie Kahn-
Publié le : 23/04/2018
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Lecture 5 min
On dit toujours que le métier de journaliste est bouché. A mon époque, on le disait déjà. Il faut faire fi de cela et se donner les moyens de faire ce métier si on le souhaite vraiment
1ère partie : votre parcours
1) Bonjour Annie. Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Bonjour. Je m’appelle Annie Kahn, je suis journaliste au Monde depuis plus de 30 ans. Mon métier recouvre 2 fonctions :
– Je tiens la chronique « Ma vie en boîte » qui, comme son nom l’indique, traite de la vie en entreprise. Cette chronique s’appuie sur tout type d’études (économiques, sociologiques, psychologiques…), enrichie de mes observations sur le terrain
– Je suis également en charge du développement éditorial du journal : je monte des partenariats avec tout type d’entités (entreprises, collectivités territoriales, institutions académiques, associations…) pour monter des colloques et faire des suppléments dans le journal. Dans ce cadre, je traite de sujets que je trouve particulièrement intéressants mais qui n’ont pas encore forcément bénéficié d’un grand écho médiatique. Les sujets sont divers, ils concernent par exemple l’insertion des personnes handicapées dans les entreprises, le fait qu’il vaille mieux privilégier les compétences au profit des seuls diplômes.
En parallèle de mon activité de journaliste, je suis également administratrice chez Delfingen Industry, un équipementier automobile.
Enfin, j’ai également publié 2 livres, le premier « Les râleurs sont les meilleurs : et autres vérités scientifiquement prouvées sur l’entreprise » et un deuxième, « De l’absurdité d’être accro au boulot ».
2) Vous êtes diplômée d’une école d’ingénieurs, l’ENSIMAG à Grenoble. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Mon choix initial était d’être biologiste. J’ai obtenu mon baccalauréat en 1968, une période un peu particulière pour les universités. J’ai donc fait une classe préparatoire scientifique (Maths Sup / Maths spé) en vue de faire une école de chimie. Finalement, j’ai réussi le concours au-delà de mes espérances et ai été reçue à l’ENSIMAG de Grenoble. Mon choix s’est donc porté sur cette excellente école d’informatique.
J’ai toujours été fascinée par le journalisme. Au vue de ma formation, je me suis donc orientée vers le journalisme scientifique afin de faire connaître les Sciences au plus grand nombre. J’ai travaillé dans de nombreux journaux : Sciences & Avenir, 01 Informatique, ou dans des groupes de médias comme la CEP… J’ai fait ça pendant 10 ans.
3) Vous avez ensuite intégré le prestigieux MBA de l’Insead. Quelles ont été les raisons qui vous ont poussé à faire un MBA ?
Je voulais me former à l’économie et au business, car, à cette époque, les études scientifiques ne vous donnaient aucune notion d’économie. Or je considérais que j’en avais besoin pour évoluer. Que ce soit pour progresser hiérarchiquement et donc avoir des fonctions managériales, ou pour écrire sur un autre domaine qui m’attirait : l’économie et les entreprises. Une autre raison, officieuse à l’époque, était que c’était le moment pour moi de faire une coupure dans la mesure où la direction du groupe pour lequel je travaillais avait décidé de remplacer mon rédacteur en chef par une personne moins expérimentée et moins diplômée que moi…mais du sexe masculin. J’en ai donc profité pour bénéficier d’un « congé-formation » qui présentait de nombreux avantages, dont la possibilité de pouvoir retourner dans mon entreprise initiale après l’obtention du MBA, mais sans aucune obligation de ma part.
En plus de rencontrer des professionnels talentueux issus du monde entier, le MBA a indéniablement favorisé mon employabilité et m’a donné de l’assurance ainsi que de la confiance en moi. A la suite de mon MBA, j’ai reçu de nombreuses offres d’emplois. Finalement, l’entreprise que j’avais quittée m’a proposé de créer un nouveau magazine, en me proposant le titre de rédacteur en chef qu’elle m’avait refusé neuf mois plus tôt, et avec un salaire augmenté de 50%. En 6 mois seulement, j’ai ainsi reçu en augmentation ce que m’avait coûté mon MBA !
4) Quels conseils donneriez-vous aux professionnels souhaitant faire un MBA à l’Insead ?
Seule une minorité choisit de faire un MBA directement après les études. Pour ma part, j’ai intégré l’INSEAD à 33 ans, après 10 ans d’expériences professionnelles. Je conseillerai plutôt d’acquérir plusieurs années d’expérience professionnelle avant de faire un MBA.
5) Pourquoi avoir choisi d’être administratrice chez Delfingen Industry ?
Ayant été également diplômée de Sciences-Po et de l’Institut Français des Administrateurs (IFA), j’ai été contactée par le président de Delfingen Industry qui m’a proposé de rejoindre son Conseil d’administration, d’abord en tant qu’observatrice pendant 1 an, puis j’ai été élue administratrice, par l’Assemblée générale des actionnaires. Mon profil atypique, Ingénieur – MBA – Journaliste, les a beaucoup intéressés.
Lorsqu’on est journaliste, on est surtout spectateur. Etre administratrice, me permet d’être dans le feu de l’action. C’est une formidable opportunité pour mieux comprendre le fonctionnement d’une entreprise et avoir une nouvelle corde à son arc.
2nde partie : le métier de journaliste
6) En quoi consiste votre métier de journaliste ?
Il y a plusieurs types de journalistes. Par exemple le journaliste scientifique est un pédagogue qui vulgarise le savoir scientifique en l’expliquant. Il y a aussi le journaliste d’investigation qui va enquêter sur des affaires en cours. En fait, on fait souvent un peu les deux à la fois. Même s’il n’est pas qualifié de journaliste d’investigation, un journaliste «économique » enquête en interrogeant les différents intervenants dans une entreprise, par exemple, la direction, mais aussi les syndicats, les fournisseurs ; il examine les comptes et le positionnement des concurrents pour se forger ensuite sa propre opinion. Il est aussi amené à vulgariser l’économie.
Un journaliste doit savoir détecter les signaux faibles pour identifier les sujets qui vont monter, être factuel pour rendre compte de ce qui se passe dans notre société, mais doit en même temps donner son opinion et fournir un avis éclairé à ses lecteurs.
C’est un métier extrêmement varié où on rencontre une myriade de personnes différentes et passionnantes. On ne se lasse jamais car on est constamment en train d’apprendre.
7) Quelles sont les perspectives d’évolution des journalistes ?
En interne, un journaliste peut se diversifier : il peut passer d’un secteur à l’autre, de la politique à l’économie par exemple, ou encore monter en grade en devenant rédacteur en chef.
En externe, il peut aller dans le privé et évoluer en tant que Directeur de la Communication d’une entreprise. Cette évolution n’est pas rare.
8) Quels sont les inconvénients du métier de journaliste ?
C’est un métier où on travaille beaucoup, avec des horaires très extensibles et qui dépendent de l’actualité que l’on suit. Il faut être prêt à travailler le week-end et à n’importe quelle heure. Si on a une vie de famille, cela peut parfois être problématique.
Par ailleurs, les journalistes ne sont pas forcément très bien rémunérés.
9) Quelle formation recommanderiez-vous pour devenir journaliste ?
Le plus facile est de suivre une formation dans une école de journalisme. Les stages constituent un excellent moyen d’apprendre le métier. De nos jours, il est recommandé d’avoir une double formation. Certains font Sciences Po, d’autres un Master en sciences ou même une école de commerce.
10) Quels conseils donneriez-vous aux jeunes souhaitant devenir journalistes ?
On dit toujours que le métier de journaliste est bouché. A mon époque, on le disait déjà. Il faut faire fi de cela et se donner les moyens de faire ce métier si on le souhaite vraiment. Aux jeunes journalistes en herbe, sachez qu’il est très rare d’être embauché directement en CDI à la sortie de ses études. On peut commencer en tant que pigiste, ou en CDD ce qui est déjà très bien. Il est à noter également que certains journalistes font le choix de rester pigiste car cela confère une grande liberté, notamment dans le choix des sujets traités.
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