[Interview retour] Antoine, 10 ans d’expérience en contrôle de gestion en Allemagne
Par Antoine-
Publié le : 18/01/2025
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Lecture 4 min
Globalement, l'environnement de travail est exigeant, très formel, bien encadré et bureaucratique.
Nous avons retrouvé Antoine que nous avions interviewé lorsqu’il était en VIE en Suède en 2013. 12 ans plus tard, nous nous intéressons à ce qu’il est devenu. Bonne lecture !
1) Bonjour Antoine. Cela fait longtemps. Peux-tu nous dire ce que tu es devenu depuis ton stage en Suède ?
Après mon stage en Suède, j’ai été diplômé de mon école de commerce. Après une courte période de recherche, j’ai trouvé un VIE en Allemagne, à Munich, en contrôle de gestion chez un fournisseur automobile. J’y suis resté deux ans en VIE, puis j’ai continué dans la même entreprise pendant deux années supplémentaires, cette fois en contrat local. Ensuite, j’ai trouvé un autre emploi, toujours à Munich, cette fois-ci dans la filiale allemande d’un fabricant industriel. J’y ai travaillé pendant cinq ans et demi et, actuellement, je viens tout juste de démissionner et de quitter l’Allemagne pour me réinstaller, au moins temporairement, en France, à Paris d’où je viens.
2) Pourquoi avoir choisi spécifiquement de travailler en Allemagne ?
L’opportunité s’est présentée à moi de manière fortuite. J’ai eu la chance de rester à l’étranger dans un pays facilement accessible pour rendre visite à ma famille et à mes amis. Cela me permettait également de mettre à profit mes dix années d’apprentissage de l’allemand à l’école.
3) Que faisais-tu en Allemagne ?
Dans la première entreprise où j’ai effectué mon VIE, je travaillais sur deux périmètres : le premier concernait un centre d’ingénierie et de vente où je faisais du contrôle de gestion sur un site allemand. Le second périmètre était celui de la business unit qui incluait ce centre d’ingénierie et des sites de production polonais et slovaques et où je me chargeais de la consolidation des résultats (P&L, flux de trésorerie, etc.).
Dans la deuxième entreprise, mes responsabilités étaient beaucoup plus étendues, ressemblant davantage à celles d’un directeur administratif et financier (DAF). Cela incluait des tâches de contrôle de gestion, comptables et administratives, ainsi que le rôle de point de contact avec les autres parties prenantes (auditeurs, conseillers fiscaux entre autres) pour les périmètres Allemagne, Suisse et Autriche.
4) Comment trouver un travail en Allemagne ?
La démarche est similaire à celle en France : utiliser les sites de carrières, envoyer des candidatures spontanées, recourir à LinkedIn etc. Cependant, pour les documents à envoyer, c’est un peu différent, surtout pour le CV. Traditionnellement, il doit être étalé sur plusieurs pages avec tous les détails : une page de garde, une page d’informations personnelles, les formations (avec les notes des diplômes, les détails des formations…), l’intégralité des expériences, mêmes les plus courtes comme les jobs d’été. Le CV allemand classique peut ainsi comprendre de 6 à 7 pages car il inclut un maximum de détails. Toutefois, cette approche évolue, notamment dans les grands groupes internationaux, où un CV plus court peut être acceptable.
Il est également nécessaire de fournir un « Zeugnis », qui est une sorte de certificat de travail attestant des expériences passées et qui peut contenir une évaluation de votre ancien employeur. Certaines formulations a priori positives peuvent être ambiguës pour faire passer des messages… De nos jours, le « Zeugnis » sert surtout de certificat de travail plus que d’évaluation.
5) Qu’en est-il de la lettre de motivation et des entretiens ?
Cela dépend de chaque entreprise, mais les démarches sont similaires à celles en France.
6) Faut-il parler allemand pour travailler en Allemagne ?
Ce n’est pas obligatoire, mais cela limite les opportunités si on ne parle pas la langue de Goethe. Dans un groupe international, on peut s’en sortir avec l’anglais. En revanche, dans un groupe germano-allemand, c’est plus compliqué.
7) Comment as-tu géré la barrière de la langue au début ?
Il ne faut pas se décourager lorsqu’on parle allemand. Malgré mes dix années d’apprentissage à l’école, cela ne suffisait pas. En persévérant et en faisant l’effort de parler allemand, le vocabulaire spécifique est venu naturellement. Dans ma première expérience, nous discutions souvent avec le siège en France, donc les discussions se faisaient en anglais. J’ai pu acquérir le vocabulaire nécessaire en anglais et en allemand, en évitant les quiproquos grâce à des échanges constants. L’Allemand est une langue très précise et un mot anglais ou français peut être traduit de différentes manières en allemand – chaque mot allemand se rapprochant de l’idée originale mais ayant chacun leur nuances propres, ce qui peut être source de confusion pour l’interlocuteur si le mot allemand n’est pas la traduction la plus approprié – a fortiori dans le domaine comptable et juridique.
8) Est-ce que les Français sont bien vus en Allemagne ?
Dans le cadre professionnel, les Français sont reconnus comme des travailleurs de bonne qualité. Bien que les Français aient la réputation d’être « brailleurs », j’ai trouvé que les Allemands étaient souvent plus pointilleux sur les horaires. Par exemple, j’ai vu plus de Français travailler tard le soir par rapport aux Allemands qui commencent leur journée plus tôt (entre 7h et 7h30) et repartent vers 17h (et pas seulement parce qu’ils ont une vie de famille).
9) Les diplômes français sont-ils bien reconnus en Allemagne ?
Je ne saurais pas le dire avec certitude. Pour les ingénieurs, les Français ont plutôt bonne réputation. Les Allemands préfèrent souvent l’expérience professionnelle à un diplôme prestigieux.
10) Pourquoi être resté si longtemps au final en Allemagne (10 ans) ?
J’ai vraiment apprécié Munich car il y a une belle qualité de vie et un salaire en adéquation avec le coût de la vie. Je m’y sentais bien tout simplement.
11) A l’inverse, pourquoi ne pas continuer en Allemagne ?
La dernière expérience a été éprouvante. J’avais besoin de changer d’environnement professionnel et personnel, notamment à cause de la réduction de ma vie sociale pendant le Covid. Me rapprocher de ma famille et de mes amis était nécessaire après dix ans passés en Allemagne.
12) Que retiens-tu de l’environnement de travail en Allemagne après 10 ans ?
Globalement, l’environnement de travail est exigeant, très formel, bien encadré et bureaucratique. Les titres sont importants et doivent être respectés (comme docteur). Concernant les transports, la Deutsche Bahn (équivalent de la SNCF) est très fiable en région, mais les trains longue distance sont souvent en retard.
13) Conseillerais-tu aux jeunes de travailler en Allemagne ?
Oui, mais avec prudence, vu la conjoncture actuelle. Les perspectives économiques en Allemagne ne sont pas très favorables, avec de nombreux plans sociaux, notamment dans le secteur automobile, surtout en ce moment.
14) Avec du recul, quels conseils donnerais-tu à l’Antoine d’il y a 10 ans ?
Compliqué comme question. Je dirais peut-être savoir plus ferme vis-à-vis de l’emprise que peut avoir son travail sur soi. Savoir dire stop pour fixer des limites.
15) Maintenant que tu as quitté l’Allemagne, quels sont tes nouveaux projets ?
Profiter de la vie : voir des gens, passer mon permis, remettre de l’ordre dans ma vie. Je postulerai dans quelques temps pour un boulot.
16) Conclusion.
Ces expériences à l’étranger m’ont réellement enrichi. Bien sûr qu’il n’y a pas mieux pour améliorer son niveau en langues, mais cela permet de se confronter à des façons de penser différentes, à sortir de sa zone de confort. Et cela permet d’appréhender de manière plus objective ce qu’il se passe en France : si certaines choses fonctionnent mieux ailleurs, d’autres fonctionnent mieux en France.
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