Devenir Chercheur virologue au CNRS
Par Yves Gaudin-
Publié le : 14/10/2013
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Lecture 4 min
" On ne fait pas tout à fait le même métier quand on est chercheur en Mathématiques fondamentales, en Biologie ou en Sciences Humaines "
1) Bonjour. Pourriez-vous vous présenter (formation, parcours, années d’expérience) ?
Bonjour, je m’appelle Yves Gaudin. J’ai passé un bac C en 1982 (le bac scientifique à dominante mathématique de l’époque). J’ai enchaîné sur les Classes préparatoires (Math Sup puis Math Spé M’) avant d’intégrer l’Ecole Polytechnique en 1985. J’ai ensuite fait un DEA (l’équivalent d’un actuel M2) en Biochimie et Microbiologie puis une thèse de Biologie que j’ai obtenue en 1992. J’ai ensuite effectué un stage post-doctoral d’un an financé par la Fondation pour la Recherche Médicale avant d’être recruté au CNRS en 1993 en tant que Chargé de Recherche. Je suis passé directeur de Recherche en 2000. Je dirige une équipe de recherche depuis 1999 et je suis le Directeur d’une Unité de Recherche du CNRS (45 personnes) spécialisée en Virologie depuis 2005.
2) En quoi consiste le métier de chercheur ?
Le métier de chercheur est multiple. On ne fait pas tout à fait le même métier quand on est chercheur en Mathématiques fondamentales, en Biologie ou en Sciences Humaines. Il y a des approches propres à chaque discipline. On ne fait pas non plus la même chose en début, en milieu et en fin de carrière.
En début de carrière, au moins en biologie, on porte des projets de taille restreinte. On effectue soi-même les expériences. Lorsqu’on devient chef d’équipe, on dirige de 4 à 10-15 personnes. On mène en général plusieurs projets de front. On doit trouver des financements pour payer du personnel (ce qui va déterminer la taille de l’équipe). On est moins souvent en train de faire des expériences. Si la science de l’équipe est de bon niveau, on est invité à présenter ses résultats dans des congrès nationaux ou internationaux.
L’avancement dans la carrière s’accompagne d’une diversification des missions : on a des activités d’évaluation pour des journaux (évaluation d’articles scientifiques – la fameuse évaluation par les pairs – ) ou pour des organismes français (Commissions scientifiques du CNRS, de l’INSERM, de l’INRA, de l’ANRS, évaluation de structures ou de projets pour l’AERES ou à l’ANR) ou étrangers (évaluations de projets d’équipes étrangères, évaluations de laboratoire, participation à des conseils scientifiques d’Instituts). On peut parfois avoir aussi des responsabilités importantes d’ordre managériale (direction d’Unité, ce qui implique de la gestions de ressources financières et humaines).
3) Quelle formation faut-il avoir pour accéder à ce métier ?
Il faut une formation scientifique que l’on obtient à l’Université ou dans les Grandes Ecoles. Il faut faire un Master dont la seconde année (M2) est orientée vers la recherche (M2 recherche) avec un stage de recherche obligatoire d’environ 6 mois dans un laboratoire (public ou privé).
4) La thèse est-elle obligatoire pour devenir chercheur ?
Il y a quarante ans, elle n’était pas obligatoire. Il est maintenant impossible d’être recruté sans sa thèse. Il est même quasiment obligatoire (sauf à être recruté comme chercheur dans le privé) d’avoir effectué quelques années de stage post-doctoral. C’est-à-dire d’avoir travaillé sur un deuxième voire un troisième sujet de recherche.
5) Faut-il avoir publié régulièrement des articles pour espérer décrocher un poste au CNRS ?
Il faut non seulement avoir publié mais il faut avoir bien publié. Plusieurs articles sont nécessaires, dans des revues réputées. Il faut que vous ayez contribué significativement aux travaux présentés dans ces articles (cela est attesté par le rang de signature en Biologie – signature en premier ou dernier auteur -).
6) Quelles sont les perspectives d’évolution du métier ? Peut-on espérer se reconvertir dans un métier plus opérationnel ? Si oui, le profil de chercheur est-il attrayant pour les entreprises ?
Je ne sais pas ce que c’est qu’un métier « opérationnel ». Il y a une énorme naïveté à considérer les chercheurs comme de purs esprits. Pour un chef d’équipe, la recherche de financements est permanente.
La compétition au niveau international est très rude et très stressante : vous ne connaissez pas forcément vos compétiteurs, ni l’avancement qu’ils ont dans leurs travaux. La crainte de se faire « scooper » est énorme, d’autant qu’en science, il n’y a de place et de prestige que pour le premier qui publie le résultat.
Le profil de chercheur de haut niveau DEVRAIT être attrayant pour les entreprises. Ce n’est pas le cas en France pour des raisons historiques que je ne discuterais pas ici.
7) Existe-t-il un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle ? Quels horaires faites-vous en moyenne ?
C’est très variable (et cela varie avec l’état d’avancement de la carrière). Une semaine peu chargée, je suis au laboratoire entre 9h et 18h00. Quand la semaine est plus chargée, il m’arrive souvent de partir vers 19h30. Il n’est pas rare que je travaille chez moi le soir (de 21h à minuit) et le week-end (fréquemment 4 h de travail sur le week-end, parfois plus, deux ou trois fois l’an, je me retrouve à travailler 15-20h sur un week-end). Le travail à domicile consiste à lire et/ou rédiger des articles, corriger des thèses d’étudiants, rédiger des demandes de financements, rédiger des rapports d’activité individuels, d’équipe ou d’Unité).
8) Quel est le salaire moyen brut mensuel du chercheur ?
Je préfère parler en net. En France :
– Etudiant en thèse : 1300-1500€ par mois
– Post doc : 1800-2100€ par mois
– Chargé de Recherche de Deuxième classe : premier salaire 1950€ par mois
– Chargé de recherche de Première Classe : d’environ 2300€ (vers 35 ans) à environ 3000€ (vers 45 ans)Directeur de Recherche de deuxième Classe : salaire maximal autour de 4000€ par mois
– Directeur de première classe et hors classe : salaire maximal autour de 5500€ net (vers 60 ans)
Tous ces chiffres sont indicatifs. Les expertises, les enseignements à l’Université ou dans les grandes écoles sont en général payés. Certaines responsabilités s’accompagnent de primes. Il est assez facile de gagner 300 à 500€ de plus par mois.
9) Quelles qualités sont requises pour être un bon chercheur ?
Il faut être curieux, aimer se poser des questions. Il faut aimer les sciences. Il faut avoir l’esprit critique sur ses travaux et ceux des autres. Avoir un esprit de synthèse est aussi un plus. Savoir présenter ses travaux est aussi très important.
10) Qu’est-ce qui vous a poussé à exercer ce métier plutôt qu’un autre ? J’avais un goût très prononcé pour les sciences. Je souhaitais aussi travailler dans un environnement de liberté.
11) Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux étudiants voulant à leur tour devenir chercheur ?
Ne vous contentez pas de ce que vous apprenez à l’Université ou dans les grandes écoles. Soyez curieux. Lisez les magazines de vulgarisation scientifique (La recherche) pour savoir quels sont les grands défis de la science d’aujourd’hui. Essayez très tôt de faire des stages dans des laboratoires pour savoir si vous avez réellement l’envie de faire ce métier.
12) Merci pour votre témoignage. Je vous laisse le mot de la fin.
La science est une maîtresse très exigeante mais après 25 ans de mariage, je ne me suis jamais ennuyée avec elle.
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