Devenir Magistrat
Par Thierry Drack-
Publié le : 23/01/2017
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Lecture 3 min
" On ne rend pas "sa" loi mais "la" loi et il faut être compétent "
Une toute nouvelle interview, celle de Thierry Drack, magistrat de carrière qui a eu l’envie de nous faire partager sa vision et son expérience professionnelles au sein de cette grande Institution qu’est la Justice. Entre deux avions, celui qui est aujourd’hui premier président de la cour d’appel de Nouméa en Nouvelle Calédonie, a pris le temps de nous recevoir dans l’hôtel où il réside, près de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle.
1) Bonjour Monsieur Drack, et merci de nous accorder de votre temps en dépit de votre planning chargé et du décalage horaire (10h avec Nouméa!)
Bonjour, je vous en prie, c’est un plaisir d’échanger sur mon parcours, surtout si je peux apporter un éclairage aux jeunes intéressés par la magistrature.
2) Une présentation en quelques mots?
Je suis Thierry Drack, magistrat depuis 33 ans , dont une dizaine d’année en détachement dans le corps préfectoral et en cabinet ministériel. Aujourd’hui je suis Premier président de la Cour d’Appel de Nouméa et de Wallis et Futuna.
3) C’est une longue carrière, peut-on parler en ce qui vous concerne d’une vocation?
Tout à fait. C’est d’ailleurs une vocation qui remonte a l’enfance. Mon père exerçait le métier de juge, et me permettait de temps à autres d’assister à ses audiences. En tant que jeune garçon celles-ci m’impressionnaient.
4) Quelle image aviez-vous alors du métier de juge ?
En vérité, je ne me représentais pas vraiment le métier, mais mon père. Je faisais une sorte de fusion entre lui et la fonction de juge. Je me souviens que j’étais marqué par les regards, pleins de respect, que les gens portaient sur lui. J’étais en admiration. Plus tard, j’ai entrepris des études de droit pour être magistrat. Aucune autre profession juridique ne m’intéressait, c’était mon objectif. Si je devais échouer, le métier d’éducateur pour enfant aurait été un second choix.
5) A ce propos, de manière concrète, comment devient on magistrat ?
Il faut faire des études de droit et obtenir au minimum un Master 1 . C’est la condition pour passer le concours de la Magistrature. En cas de réussite, on suit deux ans de formation dans une école à Bordeaux.
On est nommé magistrat par décret à la sortie. Le magistrat est assimilé fonctionnaire mais il possède un statut spécifique qui permet de préserver son indépendance et donc celle de la Justice.
6) Magistrat, juge…c’est la même chose ?
Magistrat est un terme générique qui désigne un professionnel de la justice qui peut exercer dans deux corps bien distincts : au siège en tant que juge, ou bien au parquet comme procureur, c’est à dire comme étant le représentant de la société qui initie les poursuites pénales.
La fonction de magistrat du siège (du juge) est quant à elle très diversifiée : Juge des enfants, juge d’instance, juge des affaires familiales, juge au pénal, au civil…si on le souhaite il est possible de connaître des activités assez différentes au long de sa vie professionnelle, on ne s’ennuie pas!
7) Quel est le rôle du juge ?
Il y a deux rôles principaux : celui de trancher dans les affaires civiles afin de décider quelle partie a raison ou tort, et celui de juger au pénal les infractions commises par les citoyens puis les sanctionner. C’est un métier où il y a obligation de rendre des décisions. Si on refuse, c’est alors un déni de justice puni par la loi.
8) Quelles qualités doit-on posséder ou quelles compétences faut-il acquérir pour être un bon magistrat?
Le socle principal est d’abord d’être un bon juriste. On ne rend pas « sa » loi mais « la » loi et il faut être compétent.
Ensuite deux qualités me semblent nécessaires. En premier lieu, posséder une grande humanité, car juger c’est comprendre. L’humain est au centre des affaires, du métier. On ne peut pas être absent de cette sphère. En second lieu, le juge doit être capable de prendre une décision avec tout le recul nécessaire. Il faut cultiver le doute! Il n’y a pas de science infuse, pas de connaissance absolue, et nous ne sommes jamais sur de notre décision. En conséquence il est nécessaire d’avoir une grande humilité sur ses capacités, et de peser tous ces jugements en s’intéressant aux conséquences. Deux écueils sont à éviter : devenir une machine ou se prendre pour un dieu.
9) Un beau souvenir à nous partager ?
Les moments les plus émouvants et gratifiants pour moi ont eu lieu lorsque j’étais juge des enfants. Je repense à une affaire où, après quelques années de placement, de mesures éducatives et suivi d’une famille , nous avions restitué des enfants à leurs parents car leur situation était redevenue saine. Je m’en souviens encore 30 ans après, les parents et les enfants, tous étaient dans mon bureau, émus, heureux…C’est aussi ça la justice, c’est un équilibre.
10) Un mot pour un jeune qui à envie de se lancer ?
Faites-le. Comme je l’ai entendu un jour de la bouche d’Éric Ronsin, ancien directeur de l’ENM (école nationale de la magistrature) : pourquoi pas vous ?
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