Romain Lacombe, Head of Innovation & Development
Par Romain Lacombe-
Publié le : 16/07/2014
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Lecture 5 min
Il faut avoir différentes passions. Ce n’est qu’une fois réalisée qu’on verra vraiment pourquoi on a décidé de se lancer dans telle ou telle expérience.
1) Bonjour Romain. Pourriez-vous nous présenter votre formation ?
Bonjour. Au lycée, j’étais plutôt bon en mathématiques donc j’ai choisi de continuer dans cette voie en faisant une classe préparatoire scientifique. Mon objectif était d’intégrer Centrale Paris car mon entraîneur d’aviron avait fait cette école. Finalement, j’ai été pris à l’Ecole Normale Supérieure et à l’Ecole Polytechnique. J’ai été convaincu par le côté militaire, et donc sportif de l’X, et j’ai donc intégré Polytechnique où j’ai passé notamment un an de service militaire en tant que parachutiste.
A la sortie de mon école, j’avais envie de voyager. Je suis donc parti aux Etats-Unis étudier deux ans au Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans le Master de « Politiques des Technologies » (Technology & Policy Program). Cette formation s’inscrivait dans la continuité de mes études puisque j’étais toujours au contact des sciences, mais surtout de leurs applications et des conséquences des évolutions technologiques sur la marche du monde. De plus, je n’avais pas de problèmes financiers car je disposais d’une bourse. Cette expérience à l’international a été extrêmement enrichissante car elle m’a permis de penser différemment, de m’ouvrir à une autre culture et de changer radicalement ma vision du monde.
2) Qu’avez-vous fait à la sortie de Polytechnique ?
A la fin de Polytechnique, j’étais plutôt bien classé donc j’ai intégré le Corps des Ponts, mais je ne voulais pas tout de suite rentrer en France donc j’ai choisi de travailler en tant que Consultant à la Banque Mondiale à Washington. J’y ai fait de la recherche prospective sur le développement durable. En parallèle, j’ai pu découvrir des projets d’entrepreneurs passionnants comme par exemple SpaceX à ses débuts (ndlr : société américaine qui construit et lance des fusées), ou Project Better Place (projet de réseau de recharge pour véhicules électriques).
J’ai décidé ensuite de me rendre sur la côte Ouest des Etats-Unis, dans la Silicon Valley, au cœur de l’innovation et de l’entrepreneuriat, où j’ai travaillé 3 mois chez Palantir, une start-up précurseur dans le domaine du Big Data.
3) Qu’avez-vous fait ensuite ?
J’ai décidé de monter ma propre startup, spécialisée dans la géolocalisation sur mobile. Le projet a bien fonctionné. A la fin de ma période de visa me permettant de travailler aux Etats-Unis, j’ai vendu ma boîte qui a été rachetée par une plus grande entreprise en forte croissance. Après cela, je suis rentré en France .
4) Que faites-vous désormais ?
J’ai été pendant trois ans chargé de l’innovation et du développement de la mission Etalab pour l’ouverture des données publiques (Open Data) aux services du Premier Ministre.
5) Comment êtes-vous passé d’entrepreneur à chargé de l’innovation au sein du Gouvernement ?
A mon retour en France, j’ai travaillé pour le Corps des Ponts. Je me suis rendu compte que l’Etat disposait de nombreuses données publiques très intéressantes mais qu’elles étaient difficilement utilisables. J’ai donc rédigé une note concernant la possible ouverture des données des Etats à l’échelle mondiale, et mobilisé une équipe pour en étudier la mise en application en France. On a remis un rapport complet au Ministère de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie Numérique en 2011. Le Gouvernement a décidé de lancer un projet d’ouverture des données en France, la mission Etalab, que j’ai donc contribué à créer à partir de 2011.
6) En quoi consiste votre mission ?
L’Etat dispose d’une grande quantité de données mais qui sont difficilement accessibles et exploitables. Ma mission consiste à y remédier en mutualisant toutes ces données et en les faisant partager au niveau mondial afin d’encourager l’aide au développement. Je travaille partout à l’international.
Le projet s’est beaucoup développé, partant de rien début 2011 pour atteindre aujourd’hui une renommée internationale. Le G8 a d’ailleurs accepté de signer une charte pour respecter les engagements liés à l’Open Data.
7) A-t-il été difficile de passer du travail en startup aux Etats-Unis à une institution étatique française ?
Non pas vraiment car on est en mode startup dans un environnement très institutionnel. On bénéficie d’une grande liberté d’action dans le cadre de l’action publique, et j’ai eu la chance de travailler avec des gens passionnés qui pensent à l’intérêt collectif.
8) L’Open Data est-il un Wikipédia amélioré ?
Non pas vraiment car Wikipédia est une encyclopédie qui s’adresse au grand public. Notre base à nous est constituée de données brutes : il faut certaines compétences pour pouvoir utiliser les données que nous partageons, mais leurs applications s’adressent à tous.
9) L’Open Data a-t-il déjà donné lieu à la création de startups ?
Oui, tout à fait. Une startup, qui a d’ailleurs été récompensée par le MIT, a vu le jour grâce à l’Open Data. Elle propose une application spécialisée dans la prédilection du remplissage des trains de la SNCF en temps réel. Cela permet à n’importe quel voyageur de savoir immédiatement quel train prendre et à quelle heure. Son trajet en est donc optimisé.
10) Vous êtes également Maître de Conférences à Sciences-Po Paris… Pourquoi avoir fait ce choix ?
Je me suis proposé d’enseigner à Sciences Po car j’aime ça. Mon cours est structuré en trois parties : la première partie traite de l’économie de l’innovation, la deuxième des affaires contemporaines et du développement des nouvelles technologies (des bitcoins, par exemple) et enfin, la dernière partie consiste à imaginer un projet de startup.
C’est à la fois gratifiant et formateur d’enseigner. Gratifiant car on transmet à d’autres générations ses connaissances et formateur car cela permet de prendre du recul sur les choses et de les analyser.
11) Vous avez donc des expériences professionnelles très diversifiées. Tout cela s’inscrit-il dans un objectif précis ?
Pas vraiment. On ne sait jamais vraiment où on va. Il faut avoir différentes passions. Ce n’est qu’une fois réalisée qu’on verra vraiment pourquoi on a décidé de se lancer dans telle ou telle expérience.
Pour ma part, ma prochaine étape sera sûrement de monter une nouvelle entreprise sur les objets connectés. Et toutes mes expériences passées me serviront : les objets connectés s’inscrivent dans la limite de l’Open Data, mon expérience d’entrepreneur aux Etats-Unis me servira pour remonter une boîte…
Au final, je dirais que s’il devait y avoir un fil conducteur à toutes mes expériences, ce serait des problématiques aux enjeux forts qui impactent directement le monde dans lequel nous vivons.
12) Au final, que fait-on quand on peut tout faire ? Quels conseils donneriez-vous aux étudiants pour trouver leur voie ?
D’abord, ne pas savoir ce qu’on veut faire, se remettre en question et se poser des questions, c’est tout à fait normal. Il ne faut pas s’en inquiéter car c’est légitime. Faire ce qu’on aime vraiment et de suivre son instinct, donc se connaître, est essentiel. Et surtout savoir poser les bonnes questions, car ce sont elles qui nous font progresser.
13) Quels conseils donneriez-vous aux étudiants pour postuler à des offres d’emplois ?
Le mieux, c’est de partir d’un problème, de l’identifier puis de cerner l’entreprise qui vous permettra de le résoudre. Ainsi, vous comprendrez en profondeur l’entreprise, son activité et ses problématiques futures. Il ne faut pas hésiter à sortir des sentiers battus et à essayer d’anticiper les besoins.
14) Merci de vos réponses. Je vous laisse le mot de la fin.
Le monde ne nous doit rien et personne ne nous attend. Il faut donc vraiment être acteur de son projet professionnel.
De plus, il m’apparaît comme essentiel de partir tôt à l’international. Je dis ça dans le sens positif, pas qu’il faut fuir la France, mais au contraire vivre à l’étranger plusieurs années permet de mieux découvrir et comprendre le monde, et donc mieux servir son pays.
N’hésitez pas à visiter mon blog sur RomainLacombe.com
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