Nathalie Martin, Directrice Exécutive de Wikimedia : travailler dans l’associatif
Par Nathalie Martin-
Publié le : 19/11/2014
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Lecture 5 min
Je choisi les associations auxquelles je participe surtout en fonction de centres d’intérêts. Étant passionnée par la culture, je me suis orientée vers ce type d’associations.
1) Bonjour Nathalie. Pourriez-vous vous présenter succinctement ?
Bonjour. Je m’appelle Nathalie Martin, j’ai 32 ans. Au niveau de ma formation, j’ai un DEUG (ndlr : équivalent à une Licence) en philosophie, une licence de sciences politiques, une licence d’arts du spectacle (cinéma) et une licence en administration publique à l’IPAG (Institut de Préparation à l’Administration Générale) et un Master 2 en Analyse Stratégique à Sciences Po Paris. Je suis actuellement Directrice Exécutive de Wikimedia France depuis un peu plus d’un an.
2) Comment passe-t-on de la philosophie aux sciences politiques puis aux arts du spectacle ? Y a-t-il des synergies entre toutes ces disciplines ?
Après le baccalauréat, je suis entrée en Hypokhâgne à Versailles. Les aléas de la vie étant ce qu’ils sont, j’ai contracté une péritonite qui m’a contrainte d’abandonner la prépa. Grâce aux équivalences, je me suis réorientée vers ce que j’aimais, la philosophie. Les débouchés étant peu nombreux dans cette discipline, je me suis réorientée.
Comme j’avais été élue à la Mairie de Sèvres, j’ai décidé de me lancer dans les Sciences Politiques. J’ai également suivi en parallèle une licence en Arts du Spectacle car je suis férue de cinéma. J’ai ensuite poursuivi mes études en faisant une Licence en Administration Publique car j’hésitais à faire l’ENA (Ecole Nationale de l’Administration) via le 3ème concours. Finalement, j’ai opté pour un Master à Sciences Po. J’ai postulé pour quatre programmes dont les relations internationales et l’analyse stratégique où j’ai été reçue. Lors de mon entretien à Sciences Po, mes examinateurs étaient Michel Crozier et Erhard Friedberg. Ces chercheurs m’ont enthousiasmé et j’ai donc décidé de suivre cette voie.
Pour ce qui est des synergies, j’ai suivi une Licence en Arts du Spectacle par passion. Cela n’a donc pas beaucoup de rapport avec le reste de mes études. Néanmoins, pour mes autres formations, elles ont toute en commun l’étude de la participation de l’être humain dans une organisation (qu’est-ce qui le pousse à agir, quels sont ses moteurs…).
3) Vous êtes également thésarde à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) depuis 2010 en anthropologie sociale. Pourquoi ce choix ? Qu’est-ce qu’une thèse peut vous apporter à votre parcours déjà très riche ?
Je ne me suis pas lancée dans une thèse dans le cadre d’un plan de carrière précis. Je la fais surtout pour l’émulation intellectuelle.
4) Vous êtes actuellement Directrice Exécutive de Wikimedia. En quoi cela consiste-t-il ?
Directrice Exécutive est l’anglicisme pour désigner le Directeur Général en français. Ma mission se décompose en deux principaux axes :
– La première consiste à gérer la structure globalement et à assumer la fonction employeur pour les neuf salariés de l’association.
– La deuxième consiste à soutenir le Conseil d’Administration qui détermine la politique de l’association.
5) Pourquoi avoir choisi de travailler dans l’associatif ?
Suite à des études à Sciences Po, beaucoup d’étudiants choisissent de se tourner soit vers une carrière publique soit dans le privé.
Au final, en France, on a encore trop souvent le sentiment que ceux qui se dirigent vers l’économie sociale et solidaire le font par dépit, parce qu’ils ne peuvent se projeter dans une carrière ailleurs.
Pour ma part, mon orientation a été un vrai choix car c’est une passion qui m’anime depuis longtemps.
6) Vous êtes membre d’associations très différentes. Comment choisissez-vous les causes que vous défendez ?
Je suis au Conseil d’Administration de plusieurs associations dont une a pour objet le théâtre de sensibilisation et l’autre la légende arthurienne.
Je choisi les associations auxquelles je participe surtout en fonction de centres d’intérêts. Étant passionnée par la culture, je me suis orientée vers ce type d’associations.
7) Vous avez donc des expériences très variées dans des secteurs très différents. Tout cela s’inscrit-il dans un objectif de carrière bien précis ?
Mon objectif était d’être directrice d’une association. J’ai commencé ma carrière en tant que Directrice de délégation départementale pour l’Association des Paralysés de France (APF) à 24 ans puis j’ai rejoint une association qui défend les droits des femmes en tant que Directrice Générale.
Il m’a été très difficile de trouver mon premier poste en sortant de mes études. J’apparaissais trop jeune pour être directrice et ayant fait trop de choses en parallèle pour devenir chargée de mission.
8) Vous avez également des expériences en politique dont huit ans en tant que conseillère municipale déléguée. N’avez-vous jamais souhaité vous lancé pleinement en politique ?
J’ai beaucoup appris mais je ne perçois pas la politique comme un métier.
C’est un engagement bénévole, pas une perspective de carrière pour moi.
9) Quelles différences y a-t-il à travailler dans une entreprise et dans une association ?
Déjà, l’organisation est différente en association car on travaille avec des bénévoles. Cela suppose des ressources humaines adaptées car les bénévoles ne sont pas payés. Il faut donc trouver des ressorts autres que ceux employés avec les salariés pour les motiver.
Autre différence : l’objet social. Par exemple chez Wikimedia, notre but est de rendre la connaissance accessible à tous. Il n’y a pas d’objectifs en termes de chiffres d’affaires par exemple.
Pour autant, comme dans une entreprise, on cherche à mesurer la performance de nos actions via une démarche qualité.
10) Existe-t-il des formations spécifiques pour travailler en association ? Lesquelles recommanderiez-vous ?
Je ne conseille pas forcément de suivre de formation avec le mot « association » dans l’intitulé.
Les meilleures formations, si l’on veut devenir un dirigeant associatif, ce sont celles qui vont permettre de développer une sensibilité politique. Travailler en association implique de bien gérer les relations humaines et de bien comprendre les systèmes. A ce titre, il faut avoir des outils pour analyser chaque situation.
11) Vaut-il mieux avoir un bac+5 ou un bac+3 ?
Si l’objectif est de devenir dirigeant, il est préférable d’avoir un Bac+5. Pour d’autres types de poste, cela dépend. En réalité, quand je reçois des CV, je prends surtout en compte ceux qui ont travaillé en alternance ou en contrat de professionnalisation car ce sont des personnes tout de suite opérationnelles. J’accorde plus d’importance aux expériences qu’à la formation suivie car les cours peuvent parfois être trop théoriques.
12) Quel salaire peut-on espérer en tant que jeune diplômé travaillant dans une association ?
C’est très variable. Cela dépend de la taille de l’association, de sa renommée etc. En tant que directrice, j’ai commencé à 31k€ brut par an.
13) Quelles qualités faut-il pour travailler dans une association et pour être dirigeant ?
Pour travailler dans une association, il est primordial d’avoir de bonnes capacités d’analyse et de faire preuve de diplomatie afin de bien communiquer avec les différents acteurs.
Pour être dirigeant, la principale qualité à avoir est le courage. Parfois, il faut prendre des décisions difficiles qu’il faut expliquer et assumer.
14) Quels sont les aspects négatifs à être dirigeant ?
La vie professionnelle et la vie privée se mélangent car on est toujours sollicité. Il faut le savoir et être certain d’être prêt à l’accepter. C’est un mode de vie spécifique.
15) Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent travailler dans l’associatif ?
Il faut avoir des expériences en tant que bénévole car cela montre une réelle implication. Il faut aussi créer et entretenir son réseau professionnel. Beaucoup de travailleurs du privé vers l’âge de 40 ans souhaitent se réorienter dans l’associatif (j’ai environ 2 à 3 demandes par mois). Leurs expériences sont largement transposables au milieu associatif mais il faut une forte volonté pour y arriver.
16) Merci pour votre témoignage. Je vous laisse le mot de la fin.
Tout est possible à partir du moment où on s’en donne les moyens. Comme disait Mark Twain « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait ».
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