Laurent, faire une VAE
Par Laurent-
Publié le : 07/06/2018
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Lecture 11 min
1) Bonjour Laurent. Pourriez-vous vous présenter ?
J’ai obtenu en 1993 une Maîtrise de Commerce que j’ai complétée en 2011 par une formation en logistique niveau Bac +2. J’ai voulu la compléter par mes années d’achats de plus de 20 ans. J’ai voulu valoriser un parcours professionnel atypique car il y a eu beaucoup de créations de postes avec un parcours me permettant d’avoir une vision différente, une polyvalence, une adaptation plus rapide au poste, et de pouvoir stimuler les autres avec une autre approche.
2) Quelles ont été vos motivations pour faire un VAE ?
– Pérennité : pouvoir sécuriser mon parcours professionnel
– Légitimité et crédibilité : confirmer mon statut professionnel
– Compétitivité : valoriser mon expérience
– Confiance en moi accrue et satisfaction personnelle : sur un plan personnel c’est un défi
– Reconnaissance : obtenir la confirmation de mes expériences par un diplôme reconnu.
3) Quelles sont les critères pour pouvoir être éligible au VAE ?
La validation des acquis de l’expérience est un droit ouvert à toute personne, quels que soient son âge, sa nationalité, son statut face à l’emploi, qu’elle possède ou non un ou plusieurs diplômes. Il n’est pas nécessaire d’avoir un titre ou un diplôme : la VAE est liée à l’expérience professionnelle et non à la formation.
Il y a en revanche quelques conditions à remplir au niveau de l’expérience professionnelle passée. Pour accéder à cette procédure, il faut pouvoir justifier :
• De 3 années d’expérience professionnelle en rapport avec le titre ou le diplôme visé
• Par exemple, pour prétendre à une VAE pour le Diplôme d’État d’Auxiliaire de Vie Sociale, il faut avoir exercé en tant qu’auxiliaire de vie pendant au moins 3 ans : si votre expérience passée n’a aucun rapport ni avec le métier ni avec le secteur, vous ne pourrez pas prétendre à la VAE
• Ces 3 années n’ont pas besoin d’être en continu, mais elles doivent avoir eu lieu au cours des 10 années précédentes
• Par exemple, pour prétendre à une VAE en 2015, ne seront prises en compte que les expériences professionnelles entre 2005 et 2015. Un emploi au cours de l’année 2004 ne sera pas pris en compte.
• Attention : en fonction des titres ou des diplômes visés, en plus du critère des 3 années, s’ajoute un critère de nombre d’heures, qui varie en fonction des secteurs
• Ainsi, la procédure de VAE pour le Diplôme d’État d’Auxiliaire de Vie Sociale nécessite 3 années d’expérience ET au moins 3.000 heures cumulées au cours de ces 3 années
4) Quelles sont les démarches pour effectuer un VAE ? Combien de temps-cela prend-il ?
Choisir le diplôme ou le titre à valider : pour avoir des conseils, rendez-vous dans le Centre ou le Point Information Conseil (PIC) de notre région. Si nous avons déjà une idée du diplôme que nous souhaitons obtenir, nous pouvons aussi nous adresser directement à l’établissement de formation (université, Cnam, etc.).
> Retirer le « dossier de recevabilité » ou « livret 1 » : il est généralement fourni par l’établissement auprès duquel nous passons notre diplôme (chaque organisme en charge des diplômes a son propre modèle de dossier).Ce dossier doit être envoyé au Dispositif Académique de Validation des Acquis (DAVA) du rectorat.Une fois notre dossier jugé recevable, nous sommes alors conviés à une réunion d’information.
> Compléter le livret 2″ (voir notice explicative associée au livret). C’est un descriptif de nos expériences passées et présentes qui peuvent porter différents intitulés comme dossier VAE, dossier de validation ou portefeuille de compétences…. L’établissement dans lequel nous passons notre diplôme peut nous proposer un accompagnement pour le remplir. Comptez 2 à 6 mois pour élaborer ce livret.
> Déposer le dossier complet auprès de l’autorité qui délivre le titre, diplôme ou certificat de qualification professionnelle soit généralement l’établissement auprès duquel il faut passer la VAE (se renseigner auprès du DAVA le cas échéant).
> Une fois le dossier terminé, c’est le moment de passer devant un jury de validation composé d’enseignants et de professionnels qui examinera le parcours sur la base du dossier et de l’entretien. A l’issue de cet entrevue, trois solutions sont possibles : une validation totale, partielle ou un refus de validation de votre dossier (dans ce dernier cas, vous serez conseillé ou réorienté).
> La décision du jury est généralement notifiée par courrier. L’évaluation est basée sur l’examen du dossier mais elle est complétée par un entretien avec le jury si nécessaire.
Il y a deux livrets à rédiger : le « dossier de recevabilité » puis « livret de validation ». La rédaction de ces deux dossiers demande du temps et de la persévérance. Il faut compter environ 4 mois pour monter un bon livret de validation lorsque l’on a une activité professionnelle. Ainsi, un parcours en VAE peut être assez long : de la recherche du diplôme ou titre professionnel à son obtention, il faut compter entre 2 mois et un an, tout dépend si vous travaillez ou non. Et pour obtenir le diplôme ou le titre convoité, il est nécessaire d’en maîtriser toutes les matières, ne pas hésiter donc pas à prendre des cours du soir pour se remettre à niveau.
5) Comment vous êtes-vous pris pour monter votre dossier ?
Un parcours de VAE comprend au moins 5 grandes étapes :
1. S’informer, élaborer son projet VAE
Le Point relais conseil vous apporte des informations pour avoir une vue d’ensemble d’un parcours de VAE, et savoir comment ça marche, s’engager en connaissance de cause, connaître l’ensemble des choix possibles en matière de certifications. Ces informations sont présentées de façon exhaustive et neutre. A savoir : Chaque organisme valideur a aussi mis en place des dispositifs d’information, d’accompagnement, et de validation spécifiques (se reporter aux fiches par certificateurs).
2. Choisir la certification
Le Point relais conseil vous apporte une aide pour définir le projet, analyser l’expérience et repérer les activités qui peuvent être sources de validation, rechercher les diplômes adaptés au projet et au profil, élaborer différents scénarios. Cette phase de conseil personnalisé, permet d’identifier les certificateurs ou autorité(s) compétente(s) à contacter par la suite.
3. Déposer sa demande
Une fois la certification choisie, il est nécessaire s’adresser à l’organisme compétent dont dépend la certification visée. La demande doit préciser l’intitulé du diplôme, titre ou Certificat de Qualification Professionnelle visé et être accompagnée: des documents attestant des activités pendant au moins 3 ans (bulletins de salaire, attestations d’employeur, certificats de travail, etc…) et d’un inventaire des activités en rapport direct avec la certification. Si le dossier est accepté, il est déclaré recevable par l’organisme ou l’institution qui délivre la certification ou qui en est responsable. Les délais pour la déclaration de recevabilité des dossiers sont variables d’un certificateur à l’autre. Une fois le dossier déclaré recevable, il faut préparer l’évaluation. Généralement les certificateurs proposent un accompagnement qui, bien que facultatif, s’avère précieux.
4. Préparer son évaluation
Les modalités de validation de l’expérience peuvent être différentes selon l’organisme qui délivre la certification. Il faut constituer un dossier écrit, il sera destiné au jury. Il comporte un ensemble de questions vous invitant à décrire au mieux vos activités en rapport avec la certification visée. Vos réponses permettront de mettre en relation vos compétences et celles qui sont exigées par le référentiel de la certification. Pour constituer ce dossier, nous pouvons bénéficier d’un accompagnement méthodologique. Il faut se renseigner auprès des valideurs ou dans les Points Relais Conseil. Nous sommes évalués par une mise en situation, pour certains titres, notamment ceux délivrés par le Ministère Chargé de l’Emploi, les compétences sont évaluées en situation de travail (réelle ou reconstituée). Les conditions du contexte professionnel habituel sont respectées. Un temps de préparation (d’accompagnement) est également proposé. Les deux formes d’évaluation peuvent être utilisées de façon concomitante, par certains certificateurs. L’accompagnement n’est pas obligatoire mais il est fortement conseillé. Il n’est pas évident de détailler, d’expliquer ce que l’on fait, ou de décrire les activités professionnelles que l’on a exercées. L’accompagnement n’est pas gratuit, il peut être pris en charge par l’entreprise ou d’autres organismes. Pour en savoir plus, consulter la rubrique sur les financements.
5. Passer en jury
C’est un jury officiel dont la composition et la désignation sont fixées par la réglementation du diplôme visé. Il est composé le plus souvent de formateurs ou d’enseignants et de représentants qualifiés des professions. Le jury décide de l’attribution du diplôme. Sa décision est souveraine. Le jury examine le dossier ou les résultats de notre évaluation et nous invite le plus souvent à un entretien. Le jury décide de l’attribution de la certification. Il prononce :
• Une validation totale. Nos acquis correspondent parfaitement aux compétences, aptitudes et connaissances exigées par la certification visée : la validation totale équivaut à l’attribution de la certification.
• Une validation partielle. Nos acquis ne correspondent que partiellement aux exigences de la certification : le jury nous indique les connaissances, aptitudes et compétences restant à acquérir.
• Une validation nulle. Nos acquis ne correspondent pas aux compétences, aptitudes et connaissances exigées par la certification visée.
En cas de VAE partielle, il faut reprendre contact avec les services valideurs pour connaître les modalités de notre parcours afin d’obtenir les unités manquantes. Nous avons entre 3 et 5 ans pour les obtenir et valider intégralement le diplôme ou titre.
6) Existe-t-il des organismes pour être accompagné dans la procédure du VAE ?
Certaines personnes ne maîtrisant pas suffisamment les savoirs de base pour être en mesure de préparer leurs dossiers de VAE peuvent s’appuyer sur des formations de remise à niveau sur ces savoirs (calcul, lecture, écriture…). Différents outils et formation existent pour ces publics en difficultés. Par exemple, l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme a réalisé le référentiel des compétences clé en situation professionnelle : http://www.anlci.gouv.fr/
L’aide à la rédaction du dossier de validation
Plusieurs interlocuteurs sont à la disposition du candidat pour constituer son dossier de validation :
• L’accompagnateur VAE : il écoute, aide à formuler ; il connaît les cheminements possibles ; il fournit des indices et des repères ; il indique les obstacles éventuels ; il ne juge pas.
• Un expert du diplôme : il peut être contacté par le candidat, il explique les attendus du diplôme, les objectifs, les contenus… ; il peut aussi le mettre en lien avec des enseignants, d’anciens étudiants, des professionnels…
• Un expert professionnel : il peut être contacté par le candidat en fonction des besoins de sa démarche (directeur des ressources humaines, supérieur hiérarchique, collègue de travail…) ; il aide à la reconstitution et à la reconnaissance par le candidat des acquis de son expérience propre au sein de l’entreprise ou de l’organisation ; il l’aide à constituer et rassembler les preuves qui seront présentées au jury.
7) Combien cela coûte-t-il de faire un VAE ?
Le coût moyen (Frais d’accompagnement et coûts de la validation) est de 400 à 1000 euros, avec toujours les mêmes possibilités de prise en charge. Pour les demandeurs d’emploi, le coût est pris en charge par l’Etat. De 600 à plus de mille euros avec possibilités de prise en charge.
8) Une fois diplômé, le VAE est-il bien reconnu par les entreprises ? Les recruteurs font-ils une différence entre VAE et un diplôme plus classique ?
Il ne faut par ailleurs pas seulement penser en termes de diplômes mais aussi en termes de certifications professionnelles et de certificats de qualification professionnels. Il faut que les salariés bousculent plus leurs chefs pour booster leur employabilité et leur carrière, c’est un partenariat long terme, c’est du « donnant-donnant ».
Il faut quand même souligner la longueur de la démarche. Elle exige un gros investissement pour un bénéfice incertain à court terme. Et même avec le diplôme en poche, la reconnaissance professionnelle n’est pas toujours au rendez-vous. Il faut d’abord le faire pour soi. Tant mieux si, par la suite, on obtient plus de responsabilités ou un meilleur salaire.
En présentant un titre professionnel, nous pouvons démontrer nos compétences, aptitudes et compétences dans le métier concerné. Valider nos savoirs, savoir-faire et savoir-être.
9) Quels conseils donneriez-vous aux professionnels souhaitant faire un VAE ?
La démarche n’a rien d’une promenade de santé. Après avoir fait le point sur les compétences, il faut identifier le diplôme ou titre correspondant au projet, puis élaborer un dossier qu’il faudra ensuite généralement défendre devant un jury… Pour y arriver, mieux vaut faire preuve de méthode et de ténacité.
Prendre le temps de définir son projet est la clé de la réussite. Le jury jauge en effet nos motivations et nos capacités, qui nous aident également à tenir bon face aux difficultés.
Repérer le bon diplôme qui valide nos compétences.
Vérifier le sérieux de l’établissement : Faire des recherches sur la notoriété de l’établissement, interroger et se mettre en contact si possible avec d’anciens élèves, poser aux responsables plusieurs questions clés : depuis quand la VAE a-t-elle cours dans votre établissement ? Qui vous accompagnera durant le cursus pour vous expliquer ce qu’on attend de vous et éventuellement relire votre plan ou certaines parties de votre dossier ? À quel rythme verrez-vous cette personne (5 entrevues et des échanges par mail et téléphone semblent convenables) ?
Faire valider sa candidature : c’est un test de motivation, un « pré-travail » avant de décortiquer ses expériences dans un autre dossier plus détaillés et réaliser un bon livret car c’est un bon révélateur pour le certificateur de vérifier que nos expériences acquises coïncident bien avec le titre visé.
Bien rédiger son dossier : ce n’est pas facile de détailler à l’écrit ses réflexes de travail quotidiens Le jury attend que nous passions de l’expérience à la compétence, du « j’ai fait » à « pourquoi et comment j’ai fait ».
Passer devant le jury : c’est l’ultime étape de la VAE. C’est le moment où il faut sortir ses tripes Il faut s’entraîner plusieurs fois, devant son miroir, sa famille, ses amis, son N+1, ce qui implique et entraîne à respecter le temps imparti. Ne pas hésiter à préparer des slides pour rendre une présentation dynamique et avoir un plan de présentation, et surtout un fil conducteur. Un support est un excellent moyen pour ne rien oublier et s’appuyer sur une présentation.
10) Merci de vos réponses. Je vous laisse le mot de la fin (conclusion, derniers messages clés à faire passer aux jeunes, anecdotes…).
Pour avoir questionné pas mal de personnes ayant été jury dans leur cursus, faute de temps (l’oral dure seulement 30 à 60 minutes) et de points de référence intangibles, comment ses derniers repèrent-t-il et évaluent-ils les acquis du candidat ?
– Le jury accorde une importance particulière au niveau de formation initial, indicateur des compétences théoriques, pratiques et procédurales de base.
– L’historique du parcours d’expérience et l’ancienneté dans les fonctions occupées sont aussi des références importantes.
– Il conçoit normalement un questionnaire d’élucidation basé à la fois sur le dossier de validation et sur chaque attente du diplôme.
– Le jury détermine si le candidat sait écouter, respecter le champ des questions posées.
– La VAE est une autoévaluation faite par le candidat. Il en résulte une forte subjectivité. Le jury évalue cette autoévaluation. Votre capacité à mesurer votre niveau réel est un très bon indicateur pour le jury.
– Il est essentiel que le candidat soit le plus crédible et sincère possible en apportant les preuves de ce qu’il affirme. Le jury teste l’authenticité des écrits. Le moindre doute influence sa décision. Il est toujours en quête de preuves incontestables et d’indices révélateurs repérables lors de l’explicitation écrite et orale de ses activités.
– Le jury est en quête d’exemples vécus. Ce vécu doit permettre l’accès et le développement des connaissances recensées par le diplôme. Il est donc important de les décrire et d’expliciter le niveau de complexité et l’attitude professionnelle afférente. Toutes les compétences attendues non illustrées par un ou des exemples vécus sont considérées comme insuffisantes. Un dossier de validation purement théorique revient à confondre la VAE avec une formation. Un dossier de validation n’est pas un exposé théorique. C’est selon l’importance de ces lacunes repérées dans nos évocations que le jury validera totalement, partiellement ou pas du tout notre démarche.
– Il est relativement facile d’établir la réalité et le niveau des acquis techniques et des savoir-faire à valider, mais objectiver les acquis théoriques, cognitifs et sociaux des candidats est plus difficile. C’est la raison pour laquelle le candidat doit insister sur ses capacités à argumenter, à généraliser ou particulariser et à analyser (étude des raisonnements) lors de la rédaction de son dossier. Les concepts liés au « métier » doivent être clairement perceptibles. A l’oral, le jury s’appuie sur l’analyse du langage employé par le candidat pour déduire le niveau de compétence. Illustration : à la question, comment savez-vous que le résultat obtenu est bon ? Si le candidat répond : « je le sais, c’est tout », il ne place pas le jury en situation d’évaluation. Le jury déduira qu’en situation de travail, il est confus. Par contre s’il répond en donnant une description et une analyse du niveau requis d’un processus de travail, il témoigne de la conscience de son savoir.
– Souvent, faute de pouvoir faire émerger les compétences individuelles des compétences collectives, le candidat doit souligner et valoriser tout ce qui le fait sortir d’un rôle d’exécution. Il définira le périmètre de ses responsabilités. Plus il est large, plus le niveau du diplôme est élevé.
– Le jury est attentif aux capacités du candidat à repérer, exposer et expliquer les problèmes spécifiques du métier et ses méthodes pour les résoudre. Il ne faut pas hésiter à arguer en termes scientifiques ou techniques pour révéler vos capacités à explorer les domaines de savoir. Pour le candidat, il est donc crucial de faire émerger ces souvenirs, d’explorer les problèmes dans le temps et sous plusieurs dimensions et de faire des liens logiques entre elles.
– Le jury veut savoir comment le candidat a acquis ses connaissances et compétences au fil du temps. Il est attentif au parcours de formation professionnelle continue, aux efforts d’autoformation du candidat, aux échanges inter et pluridisciplinaires, aux certifications et habilitations.
Il faut croire en vous et ne jamais baisser les bras. Il vaut mieux vivre avec des remords qu’avec des regrets.
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