Devenir Coach artistique scénariste et comédien
Par Denis Tesson-
Publié le : 12/02/2018
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Lecture 5 min
« C’est pas tant la façon de raconter qui compte d’abord. C’est ce que tu as à dire. »
Denis s’est formé au Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle (Ceea). En évoquant sa carrière actuelle de scénariste, il parle d’une « vocation manquée ». En effet, si depuis l’âge de 15 ans, il se sent attiré par la réalisation, il n’épouse la carrière artistique, son véritable amour, que bien des années plus tard. Entre-temps, il obtient un bac scientifique, fait une école d’ingénieur, puis entre dans une école de commerce. A la suite de ça, il travaille dans le monde de la banque. Ce n’est qu’après plusieurs années qu’il plaque tout, selon l’expression consacrée, pour intégrer le Ceea et, enfin, faire de son rêve de fictions une réalité.
Quand il entre dans le café, il rayonne. Il me demande si ça va, puis, de but en blanc, si j’écris, et si oui, sur quoi. Il me rappelle ces historiens chercheurs, qui, en séminaire, vous demandent, à peine après vous avoir salué, sur quelle période vous travaillez. Pas de temps à perdre. La passion n’attend pas. Elle est dévorante, mais pas dangereuse. En tout cas pas chez Denis. A le voir, elle est plus comme un feu qui brûle doucement à l’intérieur de lui, et qui éclaire son regard et son sourire.
Choisir la voie artistique, qui reste marginalisée, c’est être libre, en tout cas aspirer à l’être. Aux yeux des autres, à ses propres yeux… Mais être scénariste, est-ce vraiment être libre ?
VJ : Quand je pense au métier de scénariste, je pense tout de suite à un cadre d’écriture. On n’écrit pas un scénario comme on écrit une nouvelle par exemple. Il y a toute une méthodologie du scénario, un découpage, des séquences… Est-ce qu’on est pas plus libre en étant écrivain ? L’art du scénario a l’air assez rigide, orchestré. Est-ce qu’on peut réinventer cette écriture, comme par exemple, Céline a réinventé la littérature ?
Denis Tison : Oui, bien sûr ! On peut, et même on doit, réinventer l’écriture scénaristique. C’est vrai que pendant longtemps, j’ai enseigné le scénario en me concentrant sur la mécanique, sur ses procédés d’écriture. On faisait en gros deux trimestres sur la méthode, et, le dernier trismestre, je leur disais : « Allez, écrivez votre scénario. » Sauf que ça marchait pas. Quand j’ai été au conservatoire, c’était l’époque de Biegalski, et on apprenait l’écriture de scénario comme une mécanique en quelque sorte. On sortait de là, on connaissait les mécanismes, on pouvait écrire des scénarii. En vérité, le plus important, ce n’est pas la structure, c’est le fond, l’histoire. Un mec qui fait des vidéos sur internet avec une mauvaise qualité d’image, mais qui a des choses à dire, tu l’écouteras, et tu le suivras. Un mec qui fait des vidéos nickel du point de vue technique, bien longues, mais qui dit de la merde, tu le suivras pas. C’est pas tant la façon de raconter qui compte d’abord. C’est ce que tu as à dire.
Mais ça a pas toujours été comme ça. Y a eu toute la Nouvelle Vague, avec Chabrol, Godard, où le scénario s’effaçait. C’est loin d’être une mauvaise chose, si on sait comment raconter, au-delà du scénario. Mais après, y a eu Les Amants du Pont-Neuf, et là, c’était plus possible. Le réalisateur qui change le scénario sur le tournage, à chaque fois que ça lui prend… Ca part dans tous les sens !
En quelque sorte, après on est tombé dans l’excès inverse. Il y a eu trop de cadre, trop de règles. Et quand j’ai étudié au Ceea, on était dans cette mouvance-là. Alors oui, on peut réinventer l’écriture scénaristique. On doit la réinventer. Il faut trouver un juste milieu entre le cadre et l’histoire. Ni trop l’un, ni trop l’autre. Moi maintenant, avec mes élèves, quand ils arrivent, je leur parle pas des règles. Je leur dis : « Quelle histoire vous voulez raconter ? » Le plus important c’est ça. Le cadre, ça vient après l’histoire.
C’est comme si tu voulais construire la maison de tes rêves, que tu te disais : « Allez, je sais ce que je veux », tu vas voir un architecte, on te donne les plans de la maison, ça te rassure, mais une fois qu’elle est construite, tu sais pas ce que tu veux, tu te dis : « Là ce sera la cuisine. Non, en fait le salon. Non, en fait la chambre. » Et tu changes comme ça, tout le temps, sans savoir vers où tu veux aller. Si tu veux construire une maison, l’architecte va pas te donner les plans comme ça, il va te dire : « Quelle vie tu veux avoir ? » Après il y aura des plans. Pour le scénario, c’est pareil. Tu te dis : « Quelle histoire je veux raconter ? » Tu déroules ça. Et ensuite, on posera un cadre.
V : Aussi, quand je pense au métier de scénariste, je me dis qu’on doit se lancer là-dedans avec des rêves et des histoires plein la tête. Mais est-ce qu’on n’est pas parfois déçu, quand on se confronte aux boîtes de production et à leurs attentes ? Je me rappelle d’une discussion qu’on avait eue il y a quelques années, sur le film de genre en France. Tu disais qu’aux Etats-Unis, ça marchait, que les productions en étaient friandes, mais qu’en France, c’était mort, et qu’avec un scénario de film de genre, on ne trouverait aucun financement.
DT : Eh bien figure-toi que ça a changé justement. Le film de genre est en plein essor en ce moment en France. C’est le moment pour le film de genre actuellement. A la SACD, on voit de plus en plus de financements qui se débloquent pour ces films-là.
Mais on parlait de réinventer l’écriture tout à l’heure. En fait, c’est le métier de producteur qu’il faudrait réinventer.
V : (Rires) Ca, c’est sûr. Parce que je me dis, par rapport à ma question, qu’on peut se trouver obligé d’accepter une compromission en quelque sorte, de pas pouvoir travailler comme on le voudrait, justement parce que notre univers ne correspond pas aux attentes des producteurs. Donc je sais pas, est-ce que ça constitue l’écueil du métier de scénariste ?
DT : Qu’est-ce que c’est l’écueil pour un scénariste ? Ne pas écrire ! (Rires) Non mais c’est vrai en plus. L’écueil, c’est arrêter. C’est se résigner. L’écueil c’est laisser tomber. Ne pas se respecter. Ne pas respecter son identité.
Si tu veux, il y a deux postures. Tu peux faire ton métier de scénariste, en étant moyennement satisfait du travail qu’on te donne, que tu peux faire. Mais tu prends ton mal en patience, parce que comme ça, tu te tisses ton réseau. Et le réseau, c’est essentiel. Dans ce métier, c’est essentiellement du bouche à oreille. Et puis bon, même si ton travail de scénariste, au début, ne te passionne pas comme tu l’attendais, parce que les projets qu’on te propose ne sont pas attrayants, bon bah il faut bien manger et payer ton loyer. Tu patientes, et tu formes ton réseau, pour ensuite pouvoir faire ce que tu veux.
L’autre posture, c’est de se dire, entre guillemets : « J’m’en fous du réseau, d’être connu, je veux faire et écrire que ce qui me plaît. » J’ai un ami comme ça. Et donc tu es dans l’ombre toute ta vie, tu n’es pas connu, mais tu te fais plaisir disons. Et cet ami, dont je te parle, vient de sortir son livre sur Amazon.
Cette deuxième posture est plus simple à adopter aujourd’hui, parce que tu as de plus en plus de plateformes alternatives. Tu as d’autres diffuseurs que MK2, ne serait-ce qu’avec Netflix par exemple. Bon après, c’est pas le même salaire qu’au cinéma, ou à la télévision, Netflix, tu es payé une misère. Mais il y a d’autres solutions pour parvenir à plus de liberté, plus d’autonomie.
En fait, c’est une question de choix, même s’il faut le dire vite, entre confort personnel et épanouissement. Mais l’écueil, le vrai, c’est de perdre son identité, sa créativité. Et il ne faut pas systématiser le confort, en courant après le cachet.
Il ne faut pas se résigner. Le tout c’est d’avoir une envie, et d’aller au bout. C’est pour ça que je fais du coaching aussi. Je travaille avec des gens qui veulent changer de vie, qui ont un projet, une envie, et une fois qu’on a une envie, tout l’enjeu est de parvenir à aller jusqu’au bout, grâce à un accompagnement.
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