Benoît Marie, navigateur professionnel
Par Benoît Marie-
Publié le : 14/02/2016
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Lecture 4 min
Les profils de sportif de haut niveau sont très recherchés par les entreprises.
1) Bonjour. Pourriez-vous vous présenter ?
Bonjour, je m’appelle Benoît Marie, j’ai 28 ans. J’ai la double casquette ingénieur/navigateur. Ingénieur parce que j’ai un double diplôme de l’ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers) et de l’University of Auckland ou j’ai effectué un Master de recherche sur la performance des voiles ; et navigateur car la voile est ma grande passion depuis toujours.
2) Qu’est-ce qui vous a amené à vous mettre à la voile ?
Ce sont mes parents qui m’ont initié à la voile depuis tout petit. Je devais avoir 1 ou 2 ans je crois. A l’époque, on partait sur un petit voilier en Bretagne, c’est là que j’ai eu un véritable coup de foudre, notamment pour les navigations de nuit qui bouscule nos repères. A l’âge de 7 ans, j’ai commencé la navigation seul sur mon petit « Optimist ». C’était au début assez impressionnant, mais dès que j’ai commencé la compétition autour de 10 ans, j’ai vraiment accroché et à partir de là, je n’ai jamais cessé de naviguer !
Outre le côté proche de la nature, j’aimais aussi le côté technique de la voile : je cherchais toujours à faire en sorte que le bateau aille plus vite par exemple.
Au final, la voile est à l’intersection entre la technologie et ma passion pour la navigation.
3) Comment et quand avez-vous pensé à faire de la voile votre métier ?
Au début, je voulais devenir architecte naval. Depuis tout petit, je dessinais des bateaux. Puis j’en ai parlé à des professionnels : ils m’ont dit que le métier était passionnant mais qu’à la fin, ça ne donnait pas l’assurance d’obtenir un métier dans ce que je voulais vraiment faire : la voile de compétition.
Je me suis donc orienté vers une classe préparatoire en vue d’entrer en école d’ingénieurs car pour être bon marin, il est important de bien connaître la technique. Pendant l’école d’ingénieur, j’ai piloté le voilier de mon école sur le Tour de France à la voile de 2008, en plus de naviguer sur d’autres voiliers.
Je suis ensuite parti m’expatrié en Nouvelle-Zélande pour une année de stage ingénieur puis ma dernière année d’étude. J’ai travaillé pour Jean-Pierre Dick et son équipe sur la conception de ses bateaux. C’est lui qui m’a poussé à me lancer de manière professionnelle. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire de la voile mon métier.
4) Beaucoup de gens n’osent pas suivre leur passion, pour un peu qu’elle soit faiblement rémunératrice, risquée ou avec peu de débouchés pour la suite. Que voudriez-vous leur dire ?
Quand j’étais gamin et que j’hésitais entre l’école d’architecture navale et la prépa, on m’a posé une question très simple qui m’a fait beaucoup réfléchir : « Qu’est-ce que tu regretterais le plus de ne pas avoir fait dans ta vie ? ». Cette question m’a permis de prendre ma décision. Aujourd’hui encore, quand je dois faire un choix important, je me la pose. C’est cette question que je poserais à celles et ceux qui hésitent à suivre leur passion ☺
5) Quel est le profil des autres navigateurs ?
Traditionnellement, les navigateurs sont plutôt des autodidactes. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment le cas : tous ceux qui gagnent ont des formations très complètes en ingénierie. Au final, être navigateur c’est un peu être comme un chef d’entreprise car on doit avoir plein de casquettes différentes (météorologue, électricien, mécanicien…). Il y a de nombreuses notions à acquérir et il faut aussi savoir manager une équipe.
6) Quelles sont les perspectives de carrière d’un navigateur ? Y a-t-il un âge limite ?
Pour ce qui est de l’âge limite, les navigateurs ont de la chance car l’expérience compte plus que la force physique. Gagner une course dépend aussi énormément du mental.
Pour ce qui est des perspectives de carrière, elles sont immenses : dans le monde franco-français, on pratique plutôt la voile en solitaire (Vendée Globe, Route du Rhum par exemple) alors que dans le monde anglo-saxon, la voile se pratique plutôt en équipe. Les 2 mondes ne se côtoient pas vraiment.
Pour ma part, je m’oriente plutôt vers les courses anglo-saxonnes car je veux évoluer avec des gens différents de moi pour plus apprendre.
La voile est un sport extrêmement complexe, du coup, on n’a peu de chance de s’y ennuyer ☺
7) Comment vous rémunérez-vous actuellement ?
Mal. Les deux premières années, j’ai perdu 13 000€. Je le prends comme un investissement pour l’avenir et maintenant, je vis simplement en mettant tout ce que j’ai dans mon projet professionnel. Clairement, mon objectif n’est pas de m’enrichir mais de vraiment vivre ma passion et je n’ai aucun regret dessus.
Je travaille également en parallèle en tant qu’ingénieur-concepteur de bateaux ce qui m’aide à payer mes voyages et mes dépenses de la vie courante. Pour autant, je ne peux pas épargner.
8) Pensez-vous pouvoir travailler à termes en entreprise ? SI oui, une telle expérience est-elle bien valorisée auprès des recruteurs ?
Oui complètement. Les profils de sportif de haut niveau sont très recherchés par les entreprises. J’ai d’ailleurs déjà eu plusieurs offres d’emploi car les valeurs dans le sport et l’entreprise sont très liées.
9) Merci de votre interview. Je vous laisse le mot de la fin.
Une petite anecdote pour finir. Lors d’un de mes voyages, je faisais du stop en Patagonie, un vieil homme m’a pris dans son camion. Il transportait des coquillages, c’était son métier. Je ne sais plus trop comment on en est arrivé à parler de ça mais je lui ai demandé s’il quitterait son camion s’il gagnait au loto. Il m’a répondu que pour rien au monde, il ne changerait de métier car pour lui, « quand il n’y a pas de difficultés, il n’y a pas de magie ». Ca m’a fait réfléchir mais au fond, c’est vrai ! Surpasser les difficultés est parfois difficile, mais la satisfaction qui en découle n’en est que grandie.
Ndlr : retrouvez Benoît Marie sur son site internet BenoitMarie.com, sur sa page Facebook ou sa chaîne Vimeo
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