Edouard, Centralien stagiaire en Suède
Par Edouard-
Publié le : 18/08/2013
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Lecture 7 min
" Il faut voyager quand on est jeune car on n'a pas vraiment encore d'attache "
1) Bonjour Edouard. Pourriez-vous vous présenter ?
Bonjour. J’ai 23 ans. J’ai fait 2 ans de classe préparatoire scientifique à Paris puis j’ai intégré Centrale Paris.
J’ai fait mes trois premiers semestres à Paris. Ensuite, je suis parti étudier 6 mois en Suède dans le cadre d’un échange universitaire (Erasmus).
De retour en France, j’ai fait mon année de césure. J’ai d’abord fait 6 mois de stage chez Total puis 6 autres mois chez Vattenfall.
Pour ma dernière année, j’ai choisi de la faire à Supelec.
Je suis actuellement en stage de fin d’études à l’étranger, plus précisément à Stockholm chez Vattenfall. J’y suis depuis 3 mois.
2) En quoi consiste votre stage ?
Je travaille sur deux projets. Le premier porte sur l’optimisation des moyens de production. Le second sur la stratégie de développement des Smart grids.
3) Pourquoi avoir choisi de travailler à l’international ? Est-ce que cela a été un choix délibéré ?
Pour deux raisons :
1) Mon échange universitaire à Stockholm m’a beaucoup plu. Je voulais donc y retourner.
2) Le cadre de travail et la vie en Suède est différente de celle en France. Ici, on est beaucoup plus enclin à découvrir de nouvelles choses et à s’amuser. Par exemple, il y a un groupe Facebook dédié aux jeunes de la boîte (le site n’est pas bloqué au travail) où on s’organise pour planifier nos afterworks. Mon maître de stage m’a même proposé de venir dans sa maison de vacances.
En Suède, on fait vraiment confiance aux employés. On est complètement autonome et indépendant dans notre travail, on se gère soi-même. La vie y est plus détendue. A Paris on est bloqué dans le » métro boulot dodo » et il y a une forte cloison entre vie privée et vie professionnelle.
Pour les raisons que j’ai invoquées ci-dessus, j’ai vraiment choisi de travailler en Suède.
4) Quels sont les avantages et les inconvénients à faire un stage à l’étranger ?
Je commencerai par les avantages. L’ambiance de travail est beaucoup plus détendue à l’étranger. Bien évidemment, il m’est difficile de comparer car je n’ai travaillé que 6 mois en France. Néanmoins, ici, on fait beaucoup moins attention aux horaires. Il n’est pas rare que mes collègues partent à 16h s’ils ont fini leur travail (ils commencent cependant plus tôt qu’en France). Tant que le boulot est bien fait, il n’y a aucun problème pour finir sa journée plus tôt. En France, il est mal vu de partir avant l’heure même si on a fini sa journée.
Un autre grand avantage, mais il est peut-être plus spécifique à la Suède, est que les relations hiérarchiques sont plus plates qu’en France. Par exemple en réunion, on ne sait pas qui est le chef et tout le monde peut s’exprimer librement.
Au niveau des inconvénients, il y a bien évidemment la langue. Je parle anglais mais pas suédois. Dès lors, on ne peut pas comprendre tout ce qu’il se dit.
Mon école d’ingénieur, Centrale Paris, n’est pas vraiment connue à l’étranger (pas du tout en Suède), ce qui fait que c’est à moi de faire mes preuves et montrer ce que je vaux.
Ensuite, dans la vie quotidienne, certaines situations simples peuvent se révéler plus compliquées à l’étranger, pour tout ce qui concerne les démarches administratives par exemple (impôts, sécu, etc.). Cela peut paraître un détail mais cela compte.
5) Qu’en est-il des méthodes de travail ?
Avant de démarrer un projet, tout est bien planifié : on pose bien à plat toutes les problématiques, il y a un véritable travail en amont avant de pouvoir commencer le projet. Il y a beaucoup de réunions. C’est très carré.
En France, on passe peut être moins de temps avant de débuter un projet : on préfère démarrer plus vite et corriger le tir si besoin est.
6) Un stage à l’étranger est-il valorisant sur le CV ?
Oui, j’en suis sûr car cela prouve plusieurs choses : d’abord, qu’on dispose d’un suffisamment bon niveau d’anglais pour pouvoir travailler à l’international. Ensuite, qu’on est ouvert d’esprit car on s’ouvre à une nouvelle culture. Le Suédois n’a par exemple pas la même façon d’aborder un problème qu’un Français.
7) Y a t-il des démarches supplémentaires à faire pour pouvoir travailler à l’étranger ?
Non, en tout cas pour moi je n’ai eu aucune démarche particulière à accomplir. En même temps, il faut dire que mon stage est en Europe donc je n’ai pas eu à faire de VISA travail par exemple.
Il faut juste avoir un suffisamment bon niveau d’anglais pour être sûr de comprendre tout ce qu’il se passe.
Par contre, cela peut être assez difficile de trouver un logement à l’étranger. Pour ma part, j’ai eu de la chance car mon maître de stage m’a proposé un appartement. Vattenfall met à disposition des appartements pour ses employés expatriés.
La notion de stage n’est pas la même qu’en France. Ici, je suis à mi-chemin entre le stage et le CDD.
Dans certaines entreprises françaises, je sais que les employés expatriés peuvent bénéficier d’un logement temporaire financé par la boîte. Ils ont ainsi du temps pour trouver leur propre logement.
8) N’est-il pas difficile de quitter ses proches ?
Pas vraiment car je travaille en Suède. En 2 heures d’avion, je suis en France. Et puis, mes proches peuvent facilement venir me voir.
9) Le salaire d’embauche à l’étranger est-il différent de celui en France ?
Non, il est pareil. Toutefois, il n’y a pas de CE (ndlr : Comité d’Entreprise) ni de prime liée à la participation.
10) Est-ce qu’il y a beaucoup d’autres employés étrangers avec vous ?
Oui, il y a beaucoup d’Allemands, quelques Français, des Danois, des Néerlandais. Il y a également des Espagnols qui ont fuit la crise dans leur pays pour venir s’installer en Suède. Ils y sont en CDI et habitent maintenant ici.
11) Vous voyez-vous à long terme travailler à l’étranger ?
Oui et même pourquoi pas rester ici. Je suis Parisien à la base, je ne me vois pas habiter en France autre part que Paris. Mais en même temps, je ne me vois pas non plus travailler à Paris… Ici, la vie est plus tranquille et cela ne me dérange pas de travailler à long terme à l’étranger.
12) Selon vous, le fort attrait des jeunes diplômés pour partir travailler à l’international est-il justifié ? Pourquoi ? Est-ce plus facile de trouver un travail à l’étranger qu’en France ?
Quand on va travailler à l’étranger, on est plus enclin à faire la fête, on côtoie d’autres cultures, on s’ouvre plus facilement au monde.
En France, c’est un peu déprimant, les gens ne sont pas très heureux, la situation économique ne cesse de se détériorer, les boulots ne sont pas bien rémunérés. De plus, les perspectives d’évolution de carrière sont lentes car elles sont principalement fondées sur l’ancienneté. Dans d’autres pays, on peut évoluer beaucoup plus facilement car le système de promotion est méritocratique. Beaucoup de jeunes ont déjà des postes de managers parce qu’ils sont jugés principalement sur leurs compétences et leurs résultats.
Je ne sais pas si c’est vraiment beaucoup plus facile de trouver un emploi à l’étranger. Pour ma part, j’ai quand même fait une bonne école d’ingénieur donc même si je rentre en France, je ne pense pas que j’aurai trop de difficultés à trouver un emploi.
Toutefois, à l’étranger, du moins en Suède, il y a moins de chômage et plus de turn-over.
Il y a des jeunes ingénieurs français qui ont fait des écoles peu renommées en France mais qui ici ont trouvé un très bon emploi. Ils ne sont pas jugés sur leur diplôme mais plutôt sur leurs compétences, ce qui est assez différent de ce qui se passe habituellement en France. On peut évoluer plus vite à l’étranger qu’en France.
13) Le diplôme ne constitue donc pas un réel critère de sélection en Suède ?
Si bien évidemment mais disons que les Suédois sont plus regardants sur les capacités réelles des employés plutôt que sur leurs diplômes. En France on a tendance à survaloriser le diplôme, ce qui peut se comprendre à l’embauche mais n’a plus vraiment de sens après quelques années de carrière. En Suède, on laisse beaucoup plus facilement sa chance aux jeunes.
La France est un pays assez élitiste où il faut avoir tel diplôme pour accéder à tel poste.
14) Dans le cas d’un retour en France, comment appréhendez-vous le retour ?
A court terme, je n’ai pas envie de revenir en France. A moyen / long terme, à voir, je ne sais pas.
Dans tous les cas, je sais que le retour sera difficile. On va retourner dans le train train quotidien. A l’étranger, chaque jour est réellement un nouveau jour. Il n’y a pas de routine.
15) Quels sont donc vos projets à long terme ? Vous voyez-vous retravailler en France ?
A court terme, non. A moyen/long terme, c’est à voir. La France dispose tout de même de belles entreprises pour les ingénieurs. Mais en même temps, le cadre de travail n’est vraiment pas le même, il y a une hiérarchie plus forte, c’est beaucoup plus formel et l’évolution est plus lente.
16) Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui désirent travailler à l’international ?
Ne pas hésiter à le faire que ce soit pour un stage ou un échange universitaire. Une telle expérience est toujours valorisée et ça en devient même la norme. A Centrale, on est d’ailleurs obligé de passer au moins 6 mois à l’étranger.
17) Comment avez-vous trouvé votre stage à l’étranger ?
Il existe deux solutions pour trouver un contrat à l’étranger :
1. soit on trouve une boîte française qui propose des VIE ou d’autres types de stage à l’étranger, auquel cas il faut postuler comme pour une offre d’emploi.
2. soit trouver une boîte étrangère mais c’est un peu plus dur, surtout si on ne parle pas la langue. Par exemple, Centrale n’est pas connue en Suède, donc on ne peut pas vraiment se démarquer par le diplôme. En plus, on n’est pas privilégié face aux locaux qui parlent suédois. Heureusement, j’ai eu la chance de faire ma césure dans la branche française de Vattenfall. J’ai donc pu largement bénéficier du réseau interne.
De manière générale, le plus » simple » pour travailler à l’étranger est de bénéficier déjà d’une expérience dans le pays en question ou avoir un diplôme d’une université locale. On peut également s’appuyer sur l’annuaire du réseau des anciens de son école.
18) Quelle a été la proportion d’élèves ayant choisi de travailler à l’international ?
20% des anciens élèves (toutes promotions confondues) travaillent à l’étranger actuellement que ce soit en stage ou en CDI. J’ai par exemple un ami à Sidney, 2 à Genève, 1 qui va partir à Singapour, un autre à NY etc.
19) Merci pour vos précieuses informations. Je vous laisse conclure ce témoignage.
Travailler à l’étranger est une formidable expérience même si l’Europe n’est pas une aventure en soi. On reste en effet toujours relativement proche de la France. Il faut voyager quand on est jeune car on n’a pas vraiment encore d’attache.
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