Devenir Venture Capitalist
Par Boris-
Publié le : 18/04/2018
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Lecture 8 min
1ère partie : votre parcours
1) Bonjour Boris. Pourriez-vous vous présenter et nous parler rapidement de votre parcours?
Bonjour Vocajob !
Tout d’abord, félicitations pour le concept de votre site 🙂 Faire les « bons » choix de carrière (par rapport à qui l’on est et ce à quoi on aspire) est, pour beaucoup, un sujet épineux, et des initiatives comme la vôtre contribuent à aider les jeunes étudiants ou diplômés à y voir plus clair dans leurs choix professionnels et à devenir, in fine, des adultes plus épanouis et heureux !
Je parle d’ailleurs en connaissance de cause, car j’ai moi-même mis beaucoup de temps à « trouver ma voie », et eu d’innombrables discussions de carrière pour aider mes amis à faire des choix professionnels qui leur correspondent.
Alors, je vais vous expliquer un peu comment j’en suis arrivé ici…
Vers l’âge de 10 ans, j’ai commencé à me passionner pour les mathématiques. La logique, la rigueur, l’élégance des formules, des raisonnements et des théorèmes m’ont tout de suite séduit. Je répondais donc « Mathématicien » à la question « Que voulez-vous exercer comme métier plus tard ? » sur les fiches que les professeurs nous faisaient remplir au lycée (la période « vétérinaire » était déjà passée), et j’étais passionné de cette formidable discipline.
Fort logiquement dans le système français, j’ai donc fait un BAC S, puis des classes préparatoires (mathématiques-physique), pendant lesquelles j’ai découvert l’informatique théorique. Je me suis pris de passion pour cette discipline qui mélangeait les mathématiques théoriques à des dimensions informatiques plus concrètes et ayant une prise plus directe sur le réel et le fait de « construire » quelque chose avec ses mains (sur un clavier). J’ai eu la chance de pouvoir poursuivre mes études dans l’endroit qui était a priori le plus adapté à mon projet de devenir chercheur en maths-info : l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, qui dispose d’un département informatique très étoffé offrant de très bonnes conditions pour se former au métier d’enseignant-chercheur.
Cependant, j’ai rapidement « déchanté » : je me suis en effet rapidement aperçu que cet univers ne me correspondait pas pleinement (sans pour autant me l’avouer aussi clairement à l’époque). Je n’étais en effet pas en adéquation avec beaucoup des personnes que je rencontrais (pour qui j’ai cependant le plus grand respect !), et l’univers professionnel académique qui devait être le mien pendant toute ma carrière me semblait étouffant et pas en adéquation avec mes aspirations. Avec le recul que j’ai maintenant, je me rends compte que ces éléments de ‘fit’ avec un univers professionnel et un métier sont essentiels pour s’épanouir, mais notre système éducatif en France ne m’avait jamais appris à les considérer comme des facteurs importants dans mon orientation académique puis professionnelle ! Le problème éternel étant évidemment qu’il n’est souvent pas évident de savoir si quelque chose nous correspond vraiment avant de l’avoir vécu et d’avoir mûri (je vous aurais ri au nez si vous m’aviez dit il y a dix ans que je deviendrais VC !).
Bref, s’en est suivi un long cheminement, qui a été marqué par un attrait fort pour le formalisme, la beauté et l’efficacité des mathématiques et de l’informatique, qui a petit à petit laissé sa place à un attrait professionnel plus fort pour l’ « innovation » (dans tous les sens du terme) et le « coaching » (2 mots qui paraissent encore bien flous pour le scientifique je suis…) : master d’intelligence artificielle et décision, master « projet innovation conception » entre une école d’ingénieur et de commerce, agrégation de mathématique passée « par hasard », thèse d’informatique en parallèle de laquelle j’ai diversifié les activités (enseignement, conseil en organisation et en « ingénierie système », freelancing puis consulting en tant que product manager dans plusieurs startups), puis entrepreneuriat par 2 fois (avec 2 issues opposées), puis directeur produit dans une grosse startup qui avait « racheté » ma seconde entreprise, puis mentoring de startups, avant l’étape « finale » dans ma maturation : Venture Capitalist.
2) Pourquoi avez-vous choisi de faire le métier de Venture Capitalist (VC) ? Est-ce un parcours classique pour un Normalien ?
Le métier de VC est pour moi au final très logique compte-tenu des ambiguïtés de mon parcours et de mon profil. Il mélange en effet à la fois :
(i) mon goût pour l’innovation & l’action concrète dans le domaine des nouvelles technologies,
(ii) ma passion pour suivre un projet de l’idéation à la croissance,
(iii) mon plaisir à coacher des personnes pour les aider à grandir et s’accomplir,
(iv) mon penchant pour la formalisation & la recherche
(v) mes aspirations à une grande autonomie, beaucoup de relationnel, et beaucoup de diversité de sujets dans mon travail au quotidien.
Au final, sans aucun calcul préalable, il rend mon parcours rétrospectivement très cohérent, m’ayant permis de développer des compétences et aptitudes variées qui contribuent toutes à m’aider à faire au mieux mon travail aujourd’hui ! Je pourrais « storyteller » a posteriori mon parcours de façon très crédible je pense, en prétendant avoir toujours voulu être VC et avoir eu le parcours que j’ai eu avec ce dessein très clair il y a 15 ans 🙂
Et non, ce n’est pas un parcours très classique pour un normalien (même si j’en connais au moins 3 autres en France), encore moins en étant allé « jusqu’à » la thèse et l’agrégation. Il y a, au-delà d’un fossé en terme de parcours et de compétences, des différences de culture, d’état d’esprit et de mentalité très marquées. Je garde de l’ENS une idéologie assez « de gauche » (même si c’est simpliste), qui peut être parfois un peu dissonante avec le côté résolument capitaliste du métier de VC, et je sais que beaucoup de mes anciens camarades voient d’un œil très négatif le métier que j’exerce aujourd’hui (sans savoir vraiment ce que je fais au quotidien et pourquoi je le fais) !
Mais il n’y a pas de parcours type pour devenir VC : c’est aussi une certaine diversité (cohérente) des profils dans chaque fonds qui en fait sa richesse et son intelligence. Donc il n’y a au final rien d’extraordinaire à être là aujourd’hui avec mon parcours scolaire et professionnel.
3) Vous avez-vous-même été entrepreneur, notamment en fondant 2 startups. Que retenez-vous de ces expériences ?
Beaucoup de choses bien sûr, mais les premières qui me viennent à l’esprit sont :
• Le caractère très subjectif de ce qui fait un succès ou échec
• Le rôle important de la (mal)chance dans le succès / l‘échec
• Le fait que c’est très dur et éprouvant de monter son entreprise, cela demande beaucoup d’énergie, de motivation, de résilience, de sacrifices, et le glamour qui entoure les startups et l’entrepreneuriat le fait oublier à beaucoup
• L’importance d’entreprendre pour les bonnes raisons, sans céder aux sirènes de la mode, et sans se leurrer sur la réalité du quotidien d’un entrepreneur et des défis à relever
• L’importance de bien s’entourer pour réussir, ou au moins pour ne pas échouer à cause d’erreurs qui auraient pu être relativement facilement évitées (c’est d’ailleurs cette prise de conscience qui m’a poussé vers le mentoring, puis le VC !)
• Le facteur déterminant que sont les personnes qui portent le projet et celles qui travaillent dans l’entreprise pour mener à bien un projet
• La beauté que c’est d’être une équipe portée par une vision & ambition communes et d’avancer pour construire, ensemble
2ème partie : le métier de Venture Capitalist (VC)
4) En quoi consiste le métier de VC ?
Le métier de VC est fondamentalement en train de changer en France me semble-t-il. Il recouvre des réalités très différentes, aussi je vous propose de vous présenter le métier que j’exerce de mon côté : VC en amorçage (les startups sont très jeunes, pour faire simple, et encore pas ou peu développées, donc ont besoin d’un accompagnement sur beaucoup plus de sujets que lorsqu’elles sont plus matures), avec une promesse d’accompagnement concret des entrepreneurs en plus de l’argent qu’on leur apporte.
Lorsqu’on me demande ce que je fais comme métier, en dehors de l’écosystème, je dis que je suis « coach de startups ». C’est à mon sens ce qui se rapproche le plus de mon quotidien, le métier d’investisseur laissant à penser que le gros de notre quotidien est centré sur la dimension financière, ce qui n’est pas le cas :
• J’accompagne en permanence une grosse dizaine de startups (pour faire simple : la moitié sur un rythme pluri-hebdomadaire en jouant le rôle de « référent », l’autre moitié sur un rythme mensuel car étant moins proche). Cela implique de les aider sur des problématiques business stratégiques et opérationnelles en leur partageant des conseils et bonnes pratiques, en les aidant à réfléchir au mieux et à prendre de bonnes décisions (dans des domaines aussi variés que le pilotage, le recrutement, la stratégie, la planification, la finance, le produit, le positionnement marché, etc), mais aussi de les mettre en contact avec les bonnes personnes (des clients, des talents à recruter, d’autres investisseurs, etc), de les coacher en tant que personnes pour pouvoir grandir avec leur startup, etc. Cela demande du temps régulièrement, avec des pics lors de gros événements positifs ou négatifs qui arrivent à chaque startup
• Je rencontre des entrepreneurs qui me présentent leur projet et avec lesquels on échange sur leurs ambitions et les challenges, et je garde des relations suivies avec certains d’entre eux
• Lorsqu’il y a un dossier qui me semble « intéressant », je vais creuser le sujet, passer plus de temps avec l’équipe, parfois rédiger un « mémo » présentant l’entreprise et le potentiel d’investissement, et lorsque les conditions sont réunies des 2 côtés, je vais « investir » de l’argent du fonds pour lequel je travaille (le fonds d’amorçage de Partech) dans l’entreprise, que j’accompagnerai ensuite dans son développement
• Je vais aussi passer du temps sur le terrain, pour rencontrer des personnes, tisser un réseau, découvrir des startups dans des écosystèmes intéressants
• Je passe de plus en plus de temps sur une dimension « management & pilotage » : co-pilotage du fonds pour lequel je travaille (définir notre stratégie d’investissement et organisation, par exemple), management de certaines personnes qui travaillent avec moi, mais aussi lever de l’argent (comme les entrepreneurs !) auprès de nos différents investisseurs à nous, pour être capable de continuer à investir dans de nouvelles startups
• Enfin, je passe aussi du temps à lire des articles, blog posts, rapports, etc, qui sont clef pour s’instruire en permanence, construire et affiner ses « mental models », ainsi que rester à jour sur l’évolution des différents secteurs et marchés qui nous intéressent. Il est aussi important de réfléchir à son métier et de prendre le temps de construire ses leçons et apprentissages pour progresser chaque jour.
5) Quelle formation conseilleriez-vous aux étudiant(e)s pour devenir VC ?
Pas facile de pointer vers une en particulier. Sans doute que les « grandes » écoles formant à la technologie, aux sciences ou au commerce sont des choix assez naturels, mais cela n’a rien d’obligatoire en vérité. Le plus important est plutôt les parcours et profils personnels et professionnels : passion pour les startups, l’innovation, la technologie, avec le fait d’avoir déjà passé du temps dans cet univers, et une vraie capacité à l’appréhender et l’analyser de façon pertinente.
6) A quel salaire brut annuel peut s’attendre un jeune diplômé en tant que VC ?
C’est très variable, franchement, difficile de répondre. Cela dépend énormément de la taille du fonds, et le salaire en soi peut être accompagné de la nécessité de réinvestir une partie de son salaire dans le fonds (mécanisme que l’on appelle le carried interest). En tout cas, si l’argent est votre principal driver, passez votre chemin : vous ne serez probablement pas un très bon VC, et vous pourrez en gagner plus et plus vite ailleurs !
7) Quels sont les inconvénients de ce métier ?
On travaille énormément, cela ne s’arrête jamais si on veut bien faire son travail ! Il y a en permanence du stress et des incertitudes. Enfin, il est très difficile de savoir si on est « vraiment » bon avant d’y avoir officié pendant au moins 8-10 ans…
8) Quels conseils donneriez-vous aux étudiants pour devenir et être un bon VC ?
Déjà, je ne suis pas sûr que cela soit souvent une bonne idée de vouloir devenir VC directement quand on est étudiant ! C’est un métier qui demande à mon sens de la maturité et que l’on fait plus facilement avec de l’expérience. On a beaucoup à gagner à le faire après au moins une première expérience professionnelle, en startup ou ailleurs. Ensuite, soyez passionné, et ayez un goût démontré pour l’écosystème des startups. Pour être un bon VC… soyez curieux, toujours en apprentissage, humble, bienveillant, constructif, sans jamais oublier que ce n’est pas votre argent que vous investissez et que vous avez aussi promis une performance financière, même si au quotidien cela n’est pas le cœur du métier, c’en est indéniablement une finalité (sinon, vous risquez d’avoir une carrière de VC quelque peu raccourcie !). Ayez du nez pour détecter les gens qui ont un incroyable talent. Mais aussi, aimez aider, accompagner, faire éclore des projets et des personnes : ce sera votre plus belle récompense !
9) Merci de vos réponses. Je vous laisse le mot de la fin.
Choisissez un métier par passion et par fit, pas par calcul ou par hype (ça fait beaucoup de mots anglais, désolé). Les startups, l’entrepreneuriat, et maintenant le VC, ces mots ont la côte, c’est devenu la classe ! C’est donc une raison supplémentaire de vous poser la question de pourquoi, éventuellement, ces métiers vous attirent, et pourquoi vous pensez que c’est vraiment le bon choix pour vous. Serez-vous toujours heureux de faire ce métier dans 10 ans quand ce ne sera plus spécialement bien vu ? Bonne chance, en vous souhaitant beaucoup d’épanouissement professionnel !
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